Si un policier marchait vers vous, vous enfuiriez-vous? Bien sûr que non. La plupart d’entre nous ne s’en iraient pas, même étant effrayés. Nous ne voulons pas donner au policier des raisons de croire que nous avons quelque chose à cacher.
Mais c’est exactement ce qu’a récemment fait une personne atteinte du syndrome d’Asperger, qui est une forme d’autisme. Lorsqu’elle a fini par se faire coincer, elle a fait un geste menaçant et le policier a tiré, la blessant gravement.
Dans la tête d’une autre personne
La clé de cette histoire est la capacité de penser comme l’autre personne : pouvoir imaginer ce qu’elle ressent. C’est ce qu’on appelle la théorie de l’esprit, et on croit que cette aptitude fait défaut aux personnes atteintes du syndrome d’Asperger. Tout comme une personne sourde ne peut pas entendre ce que nous disons, une personne souffrant d’un trouble du spectre autistique ne peut pas comprendre, ou imaginer, les pensées d’une autre personne.
Si nous revenons à l’exemple ci-dessus, lorsque nous voyons un policier, nous passons immédiatement en mode défense. Même si nous ne voyons pas ce que nous aurions pu faire de mal, nous nous efforçons d’avoir l’air calme et respectueux. Nous sommes très conscients du fait d’être surveillés et nous ne voulons pas donner une mauvaise impression. Et tout cela repose sur l’aptitude à imaginer ce que le policier peut penser.
Sans cette aptitude, nous ne verrions le policier que comme une menace, semblable à un tigre dans la jungle, et nous fuirions à toutes jambes. Si le tigre se rapprochait et que nous nous sentions piégés, nous tenterions de l’attaquer avec une branche ou une pierre. C’est la réaction de base attaque-fuite. Si le tigre est remplacé par un policier armé, on peut imaginer la suite…
La tragédie, ici, est que chaque personne agit tout à fait naturellement. Le policier et l’individu ont tous deux réagi pour se protéger. Mais supposons que vous soyez vétérinaire et que vous découvriez un tigre blessé. Courriez-vous vers lui? J’en doute. Vous savez que le tigre ne peut pas lire dans vos pensées. Vous garderiez vos distances et vous vous approcheriez avec d’infinies précautions afin de ne pas effrayer le tigre et provoquer une attaque.
Je sais que les policiers ont un protocole à respecter, mais les gens souffrant de diverses formes de maladie mentale sont souvent victimes de feux croisés lorsque leur comportement est mal interprété. Une approche plus prudente et moins menaçante ne coûterait rien de plus à qui que ce soit.
Dans le même ordre d’idées, les personnes autistes ou souffrant du syndrome d’Asperger peuvent aussi s’attirer des ennuis avec des voisins ou des membres du public en général. Elles peuvent cogner au plafond avec un balai si elles vous entendent marcher dans l’appartement du haut. Elles peuvent lancer une chaussure contre la porte du cabinet du médecin si elles en ont assez d’attendre. Elles peuvent dire des choses inappropriées à des étrangers. En fait, la plupart d’entre nous ne feraient pas ces choses parce que nous savons que cela pourrait ennuyer les autres. Ou, du moins, nous pourrions faire attention à ce que nous disons et faisons parce que nous savons que cela pourrait nous faire mal paraître.
Tout compte fait, sans l’aptitude à nous mettre à la place des autres, notre comportement serait souvent étrange et inapproprié, pour ne pas dire irresponsable. Cela signifie que certaines personnes peuvent mal agir en raison de leur incapacité à comprendre les signaux sociaux, et non parce qu’elles sont mesquines.
Bien sûr, cela ne veut pas dire que tous ceux qui agissent de manière bizarre souffrent d’une maladie mentale. Certains sont tout simplement minables! Mais si nous prenons du recul, adoptons une approche plus prudente et apprenons à connaître les gens, nous pourrions trouver que certains d’entre eux n’agissent pas de façon aussi inappropriée que nous ne l’aurions cru. Tout comme un jeune effrayé fuit un policier en courant, ils pourraient être en train d’agir de manière tout à fait appropriée… pour quelqu’un qui ne peut pas lire nos pensées…