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Mariage à l’aveugle

Canada’s International Trade Minister Chrystia Freeland signs the Trans-Pacific Partnership Agreement in Auckland, New Zealand, Thursday, Feb. 4, 2016. Trade ministers from 12 Pacific Rim countries including the United States have ceremonially signed the free-trade deal. (David Rowland/SNPA via AP) NEW ZEALAND OUT

Signeriez-vous un contrat que vous ne comprenez pas, que vous n’avez même pas lu et qui vous lierait de façon permanente? Trois accords de commerce international sont dans le collimateur du Canada, des accords qui auront des conséquences majeures sur notre économie, notre environnement, nos services sociaux, nos territoires et notre société dans son ensemble. Pourtant, ils ne sont pas soumis à l’examen public que commande leur ampleur.

Ça fait des mois que je veux écrire au sujet de ces accords, mais je ne le fais pas, intimidée par la complexité du sujet et découragée par le peu d’analyses disponibles. Et c’est précisément le problème : le processus qui donne ces accords, les modalités qu’ils contiennent, les effets qu’ils engendrent, tout cela est nébuleux et échappe au débat et à la décision démocratiques.

Jeudi dernier, la ministre canadienne du Commerce international a signé le Partenariat Trans-Pacifique (PTP), qui lie 12 pays, dont les États-Unis, le Japon, l’Australie, le Mexique et le Canada. Cette signature n’est pas une ratification. L’accord doit encore être adopté par le gouvernement de chacun des pays.

L’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne a été signé en septembre 2014. Comme le PTP, il doit être ratifié par les gouvernements, incluant chacun des gouvernements provinciaux canadiens, pour devenir effectif.

L’Accord sur le commerce des services (connu sous son acronyme anglais TiSA) est quant à lui encore en train d’être négocié par les 50 pays qu’il concerne. Ses textes sont tenus sous les verrous, et seule une poignée de gens y ont accès.

Dans tous les cas, les négociations sont menées dans le plus grand des secrets par des délégués non élus et par des représentants des grandes multinationales. Chaque pays et chaque compagnie tente d’obtenir des dispositions qui l’avantageront dans le grand jeu du commerce mondial.

En plus d’ouvrir d’importants marchés aux multinationales, ces accords pourraient en théorie être l’occasion d’imposer des normes internationales en matière de droit des travailleurs ou de protection de l’environnement. Mais, la plupart du temps, ils engendrent l’inverse : ils provoquent un nivellement par le bas des conditions de travail et font perdre une partie de leur souveraineté aux États.

La disposition relative au règlement des différends entre investisseurs et États permet aux multinationales de poursuivre un État souverain. Ces litiges sont tranchés par des tribunaux commerciaux qui forment une sorte de système juridique parallèle aux systèmes nationaux. Une entreprise peut traîner un gouvernement en cour si elle estime perdre des profits futurs en raison de normes de travail, de santé ou de protection de l’environnement du pays. Ces dispositions ne sont pas théoriques : soumis aux règles de l’ALENA, le Canada a déjà été forcé de payer des centaines de millions de dollars en dédommagement à des entreprises.

Dans le cas du PTP, Trudeau a promis qu’il tiendrait un débat ouvert au Parlement, que les citoyens seraient consultés et que des études d’impact seraient réalisées. Mais cela importe peu, car ces accords ne se renégocient pas. C’est à prendre ou à laisser. Et quand on s’y engage, c’est pour longtemps.

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