«Let’s play!», «Vamos a jugar!». Ce sera chose faite mercredi prochain au stade de béisbol de La Havane lorsque les Rays de Tampa Bay et la sélection nationale de Cuba s’affronteront en présence de Barack Obama et de Raúl Castro.
Tout en parlant de leur grand amour pour ce sport, les deux dirigeants passeront en revue leurs nombreux points de friction. Il ne faut s’attendre à aucun coup de circuit. Tout sera sur la table, avait promis le secrétaire d’État américain, John Kerry, lors de sa visite éclair dans la capitale cubaine en août dernier. Tout, vraiment?
Non, l’épineux dossier des 35 000 Cubains ayant purgé des peines de prison pour meurtres, trafic de drogue, vols et fraudes de toutes sortes, ne sera pas en jeu. Ne pouvant, jusqu’à présent, être déportés, la plupart coulent des jours heureux en Floride.
Selon une enquête du Sun Sentinel, quotidien de Fort Lauderdale, bien que les Cubains ne forment que 1% de la population américaine, ils représentent 41 % des personnes arrêtées pour fraude de l’assurance maladie à l’échelle nationale.
Ceux qui ont abusé du système ou commis un homicide ne peuvent obtenir la citoyenneté américaine, et Washington veut les déporter, maintenant que les relations diplomatiques sont rétablies avec La Havane. Un peu comme il l’a fait depuis 2009 avec un million d’immigrants d’autres pays ayant violé les lois américaines.
«Pour Cuba, la priorité, c’est la levée de l’embargo [économique et financier qui étouffe l’île depuis 1962], pas le retour de ces criminels», assurait au cours d’une entrevue téléphonique Dario Moreno, professeur à la FIU (Florida International University).
Outre l’embargo, la restitution de la base militaire américaine de Guantánamo est également une priorité pour La Havane. Les contentieux sont nombreux, et accueillir les délinquants cubains de Floride est le cadet des soucis de Raúl Castro. La question n’est d’ailleurs même pas débattue dans les primaires présidentielles américaines.
«Elle finira par l’être! La déportation de ces criminels sera même une des priorités du successeur d’Obama», croit Moreno.
Depuis la révolution castriste de 1959, les États-Unis ont reçu plus d’un million de Cubains. Ceux-ci se sont surtout installés en Floride, à 150 kilomètres de leur île, ont dynamisé culturellement et économiquement Miami et jouent un rôle politique clé dans le Sunshine State.
Ils obtiennent le statut de réfugié politique dès leur arrivée, et un an plus tard la fameuse «green card» (carte de résident permanent) qui fait rêver les 11 millions de clandestins aux États-Unis.
Ils sont les seuls au monde à recevoir un tel traitement. Pour en profiter, plus de 10 000 Cubains font tous les ans défection et se rendent aux États-Unis. Les deux plus connus cette année sont l’avant-champ vedette Yulieski Gurriel, qui a évolué pour les Capitales de Québec, et son jeune frère Lourdes.
Dans tous les cas, entre Washington et La Havane, il faudra plus qu’une partie de baseball pour vraiment dégeler les relations. Neuf manches ne suffiront pas.