Une ville-monde, cosmopolite, multiculturelle, jeune, créative. Londres est désormais la première métropole européenne à avoir un maire musulman. Et alors?
Sadiq Khan succède à la tornade blonde Boris Johnson, un homme connu pour son caractère excentrique. Vendredi, le travailliste a fait mordre la poussière au conservateur Zacharias Goldsmith. Tout au long de la campagne, ce fils d’un milliardaire juif franco-britannique a attaqué le cinquième des huit enfants d’un chauffeur d’autobus pakistanais sur ses liens supposés avec des extrémistes musulmans.
Le premier ministre David Cameron est également entré dans le bal des insinuations. Khan a peut-être même fréquenté un imam soutenant le groupe État islamique, a-t-il martelé.
La capitale britannique est depuis longtemps accusée de tolérer la présence et l’activisme de nombreux islamistes radicaux avec son «Londonistan». Mais associer l’islam au terrorisme et à l’extrémisme n’a visiblement pas convaincu ses habitants.
Ils ont vu en Khan un musulman modéré tout à fait intégré, progressiste, favorable au mariage homosexuel. Cela ne lui a-t-il pas d’ailleurs valu des menaces de mort? Il a fait campagne pour améliorer le sort des 30 % de Londoniens vivant sous le seuil de la pauvreté, mais il s’est aussi battu pour sauver… son pub de quartier, tout en promettant de refaire de Londres la capitale européenne de la nuit, statut perdu au profit de Berlin.
Sa religion a donc laissé une majorité de Londoniens indifférents. Encore une fois, ils ont surtout vu en lui le symbole d’une intégration réussie dans cette ville de 8,7 millions d’habitants dont 55 % appartiennent à des minorités ethniques.
«Je ne pense pas que la religion et la race ont été des questions majeures. À mon avis, les Londoniens ont aimé l’idée d’avoir un maire musulman», explique dans un échange de courriels George Brock, professeur de journalisme à la City University de Londres.
Bien avant la capitale britannique, Manchester, la deuxième ville anglaise, et Bradford (295 000 habitants) ont déjà eu des premiers magistrats islamiques.
Ailleurs en Europe, aux Pays-Bas, la grande ville portuaire de Rotterdam a depuis 2009 un maire d’origine marocaine, Ahmed Aboutaleb.
Six pour cent – huit dans une quinzaine d’années – des Européens sont musulmans. Un jour pas si lointain, les maires fidèles de l’islam feront moins les manchettes.
Le Canada compte aussi un magistrat musulman à la tête d’une grande ville. Naheed Nenshi dirige Calgary depuis six ans.
De manière générale, la victoire de Sadiq Khan reflète le grand changement démographique de Londres, où les musulmans forment désormais plus de 12 % de la population. «Il y a un bâtiment dans l’est de Londres qui, à différentes époques, a été une synagogue (pour les juifs fuyant les persécutions), puis une église protestante (pour les huguenots ayant fui la France). Aujourd’hui, c’est une mosquée», rappelle d’ailleurs le professeur Brock.
Alors un maire musulman à la tête de la plus grande ville européenne. So what? ont répondu près de 57 % de Londoniens.