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Les sites d’injection supervisée moins populaires que prévu

Site d'injection supervisé SIS Spectre de rue Photo: Josie Desmarais

De leur ouverture, à la mi-juin, à la fin du mois d’octobre, les sites d’injection supervisée (SIS) montréalais ont reçu 6200 visites de 550 personnes différentes, a révélé jeudi la Direction régionale de santé publique (DRSP). C’est environ 40% de ce à quoi s’attendaient les autorités.

«Avec nos prévisions, on a essayé d’être le plus près de la réalité, mais c’est aujourd’hui qu’on vit la réalité. En même temps, c’est un nouveau service, soutient la Dre Carole Morissette, médecin conseil à la Direction régionale de santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, spécifiant que les prévisions de la DRSP étaient «fondées sur les fréquentations des programmes des organismes».

Le déménagement de Cactus Montréal, dont le SIS ne pouvait pas être installé dans ses anciens locaux, a entraîné un fréquentation «moindre qu’attendue». La directrice générale de l’organisme, Sandhia Vadlamudy, insiste sur le fait que les prévisions n’étaient «pas un objectif». «C’est pour évaluer le nombre de cabine nécessaires pour qu’on soit capable de répondre à la demande en période de pointe», dit-elle.

D’ailleurs, 1400 visites ont eu lieu au mois d’octobre, soit un peu moins qu’en septembre (1840 visites). Carole Morissette précise que cela est une baisse saisonnière qui est constatée chaque année dans les organismes, mais qu’à l’hiver, il devrait y avoir d’avantages de visites à cause de la météo.

S’il reconnaît qu’il y a toujours «une période d’adaptation», le directeur-général de l’Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues (AQPSUD), Jean-François Mary, croit pour sa part le contexte a changé au cours du développement du projet des SIS. «[Il y a cinq ans], on avait une consommation de cocaïne à 80%, donc une consommation répétée de substance, se souvient-il. Ce n’est pas le cas actuellement parce que la moitié des utilisateurs vont consommer des dépresseurs, comme de l’héroïne ou des opioïdes, avec un rythme de consommation beaucoup plus bas.» Ainsi, cela joue sur la fréquentation des SIS, selon M. Mary.

La Dre Morissette se réjouit du nombre d’inscriptions, bien «qu’on ait la capacité d’accueillir encore plus de personnes». «Près de deux tiers des personnes sont venues plus d’une fois, et le tiers sont venues six fois et plus. C’est bien, parce qu’on souhaite que les gens viennent régulièrement», ajoute-t-elle.

«Le feedback qu’on reçoit de ceux qui fréquentent les SIS régulièrement, c’est qu’ils sont très satisfaits du service, rapporte M. Mary. Par contre, il faut se questionner sur les raisons pour lesquelles d’autres n’y vont pas.»

Interrogé à savoir si le tiers de personnes qui ne sont allées qu’une seule fois dans un SIS avaient des critiques à formuler, Jean-François Mary rappelle que deux des trois SIS fixes de Montréal sont dans le même bâtiment que des établissements de santé. «C’est une barrière à l’accès en soi, dit-il. Cactus est dans un secteur qui s’est beaucoup gentrifié, avec l’ajout de condos dans les dernières années. Les personnes marginalisées ont été déplacées.»

Le CIUSSS dit de son côté vouloir continuer à faire de la promotion pour atteindre plus d’utilisateurs.

Alors que l’AQPSUD et les organismes réclament des heures d’ouverture plus longues, le CIUSSS n’a pas l’intention d’aller dans cette voie pour l’instant, disant simplement être «prêt à s’ajuster». «Ça prendrait davantage de sites, juge Jean-François Mary. C’est un service local. Les gens ne vont pas se déplacer pour aller dans un SIS.»

Il est toutefois confiant que plus d’utilisateurs de drogues injectables fréquenteront les SIS à l’avenir, notamment parce que les exemptions émises par Santé Canada sont déjà plus souples qu’il y a cinq ans. «On va suivre le même schéma que la distribution de matériel de consommation, qui a commencé avec des projets très restrictifs faits par des infirmiers il y a 30 ans. Aujourd’hui, c’est sans conditions, avec des heures étendues, dans le communautaire, partout au Québec», relate-t-il, tout en espérant qu’il ne faudra pas 30 ans pour que les choses évoluent dans les SIS.

Si des infirmières sont présentes dans les SIS, le bilan du CIUSSS révèle que 60% des 9600 interventions réalisées parallèlement aux injections sont faites par les intervenants des organismes. «Cela montre qu’à chaque visite, il y a une intervention sur plusieurs aspects», juge Carole Morissette.

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