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Plus de produits québécois dans vos assiettes

Photo: Archives Métro
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

NOTRE-DAME-DE-L’ÎLE-PERROT, Qc — Québec veut amener non seulement les Québécois, mais bien le monde entier à manger québécois.

Le gouvernement Couillard a présenté vendredi sur une ferme en banlieue de Montréal une vaste politique bioalimentaire visant à soutenir la croissance et la présence des produits alimentaires de l’industrie locale et leur exportation.

«On va encore plus manger des produits de chez nous, on va encore plus savoir d’où ils viennent, on va mieux connaître nos producteurs et nos enfants vont avoir contact avec nos produits québécois dès la petite enfance», a résumé le premier ministre Philippe Couillard en procédant à l’annonce en compagnie de quatre ministres de son cabinet.

«Le client veut du produit québécois, il veut du produit régional et il veut le savoir sur l’étiquette», a martelé le premier ministre.

Ainsi, l’utilisation du terme bioalimentaire ne vise pas l’agriculture biologique et l’aquaculture écoresponsable, mais bien l’ensemble de l’industrie agroalimentaire, du producteur à la table, en passant par l’industrie de la transformation alimentaire, les détaillants et les exportateurs.

«Le bioalimentaire, c’est pour rappeler à tout le monde que l’alimentation, c’est au coeur de notre existence comme êtres humains», a précisé M. Couillard pour justifier l’utilisation du préfixe bio.

350 M $ additionnels sur 5 ans

Le dernier budget Leitao avait ajouté près de 350 millions $ sur cinq ans dédiés à la politique bioalimentaire, ce qui porte à près d’un demi-milliard $ par année les investissements consacrés par Québec à sa politique, auxquels s’ajoute une somme équivalente d’Ottawa.

Les grands axes de la politique visent notamment une amélioration de l’offre de produits alimentaires québécois aux consommateurs, un soutien aux entreprises agricoles et de transformation alimentaire et l’instauration de pratiques plus responsables sur le plan environnemental.

La politique sera mise en oeuvre par le biais d’un projet de loi que le ministre de l’Agriculture, Laurent Lessard, s’est dit confiant de voir adopté, malgré la fin imminente du mandat de son gouvernement.

«Je l’ai voulu assez simple pour que, avec la collaboration des oppositions, on puisse l’adopter rapidement», a fait valoir M. Lessard, mettant «au défi n’importe quelle opposition de ne pas le réaliser», puisqu’il s’agit du fruit de consultations auprès de l’ensemble des intervenants, producteurs, transformateurs, exportateurs et consommateurs.

Ouverture du moratoire

Parmi les nombreux éléments de la politique, présentée dans un document d’une centaine de pages, Québec annonce une ouverture du moratoire sur la superficie des terres cultivées qui limite la possibilité d’expansion des terres cultivées dans les espaces boisés et les terres en friche.

«Il faut lever le verrou, de façon correcte et respectueuse de l’environnement et dans une perspective de développement durable», a fait valoir M. Couillard.

Le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, n’a toutefois pas vu une ouverture suffisante dans l’énoncé de politique.

«À notre avis, ce n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs de cette politique-là», a-t-il déclaré en mêlée de presse à la suite de l’annonce à laquelle il assistait.

M. Groleau a malgré tout généralement bien accueilli la politique, y voyant un pas dans la bonne direction. Il estime toutefois que celle-ci ne répond pas aux préoccupations des producteurs en matière de gestion du risque et se montre sceptique quant aux moyens d’atteindre les objectifs visés.

«Pour l’instant, les programmes de gestion des risques n’ont pas été modifiés», a-t-il rappelé.

«Est-ce qu’il y a assez d’argent dans chaque volet qu’on a voulu adresser dans la politique? Je dirais sans doute non», a-t-il ajouté, notant que l’ajout de 350 millions $ sur cinq ans pour une industrie dont le seul volet de la production agricole représente plus de 8 milliards $ de production annuellement mise en marché était plutôt modeste.

Bien-être animal

Un autre des nombreux volets de la politique invite les producteurs à faire une migration vers des pratiques liées au bien-être animal.

Philippe Couillard a fait valoir par exemple que «les grandes étables qu’on voit dans nos campagnes à aires ouvertes proviennent des demandes en bien-être animal», une question incontournable pour obtenir un accès au marché européen, très sensible à ces questions et désormais ouvert aux produits québécois avec la récente entente de libre-échange conclue avec le Canada.

Le premier ministre a ajouté que les Européens «ont l’air de penser qu’on n’y arrivera pas. J’ai des nouvelles pour eux autres: ça va être comme le camembert», a-t-il lancé, faisant référence au fait qu’un camembert québécois a récemment été nommé meilleur au monde dans un concours aux États-Unis.

Statu quo

De son côté, le président de l’Union paysanne, Maxime Laplante, a dit voir dans cette politique «un paquet de bonnes intentions» accompagnées d’«une certaine dose de flou».

M. Laplante, dont l’organisation prône une agriculture à petite échelle plus près du modèle familial et plus écologique, a salué par exemple l’intention de doubler la superficie de production biologique, tout en notant que celle-ci ne représentait que 2,4 pour cent de la superficie des terres en production en 2015, donc un objectif qui demeure plutôt modeste.

Cependant, il s’est dit extrêmement déçu de voir que la politique «maintient un seul discours, celui de l’agriculture productiviste», que la vente directe par les producteurs demeure quasi impossible et, surtout, que «la remise en question du monopole total de l’UPA n’apparaît pas dans cette politique», un point de contentieux qui est à l’origine de la création de l’Union paysanne.

CAQ: électoralisme

La porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière d’agriculture, Sylvie D’Amours, n’a pas tardé à qualifier l’annonce d’électoraliste.

Mme D’Amours s’est dite sceptique quant au déploiement de la politique à moins de six mois des élections.

La CAQ, qui promet pour sa part de créer un fonds d’investissement de 50 millions $ pour l’agriculture, reproche par ailleurs au gouvernement libéral de «pelleter l’enjeu (de la fiscalité foncière agricole) en avant, en ajoutant 10 millions $ pour compenser la hausse des taxes foncières en 2018, mais en ne mettant pas en place un véritable programme viable à long terme».

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