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Décès de l'ex-chef créditiste Camil Samson

Norman Delisle - La Presse Canadienne

QUÉBEC – C’est une page d’histoire du Québec et du folklore politique qui est tournée avec la disparition de l’ancien chef créditiste Camil Samson, qui est décédé mardi soir à l’âge de 77 ans. L’ancien homme politique québécois et animateur de radio est mort à l’hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec à la suite d’une longue maladie.

Le fils de M. Samson, Daniel, n’a pas voulu donner plus de détails sur les causes du décès, mais a indiqué que l’ex-politicien était malade depuis plusieurs années.

Camil Samson avait fondé le Ralliement créditiste du Québec en 1970. Entre 1962 et 1976, une bonne proportion de Québécois des milieux ruraux ont appuyé massivement le Crédit social, un mouvement politique dont Camil Samson a été, avec son vis-à-vis fédéral Réal Caouette, une des têtes dirigeantes.

M. Samson est né le 3 janvier 1935 à Shawinigan, un an plus tard et à quelques coins de rue d’un autre politicien qui a marqué l’histoire, Jean Chrétien.

Les deux hommes ont eu en commun une verve et un langage populiste, coloré, où l’image choc tenait lieu de seul raffinement.

Pourtant, ceux et celles qui l’ont connu sont catégoriques: Camil Samson avait un talent inné pour gagner une foule à sa cause et il savait analyser finement la scène politique. Ces deux qualités l’auront servi durant toute sa carrière.

Cette carrière politique est arrivée un peu par hasard, au détour d’une rencontre avec Réal Caouette, un politicien à qui Camil Samson a souvent été comparé.

En 1957, alors qu’il est installé en Abitibi depuis une dizaine d’années, un ami convainc Camil Samson d’assister à une assemblée du Crédit social où le chef du parti fédéral, Réal Caouette, prononce un discours. Les propos de Caouette «accrochent» le jeune Samson qui dira, plus tard, qu’il en avait tout autant assez des libéraux que de Maurice Duplessis.

Pendant quelques années, entre son travail de vendeur de voitures puis d’agent d’assurance, il apprend au sein du Crédit social l’organisation politique et l’art de convaincre.

En 1963, il se présente pour une première fois comme candidat créditiste à une élection fédérale. Il répétera l’expérience sans plus de succès en 1965. À son premier essai sur la scène provinciale, en 1966 sous la bannière du Ralliement national nouvellement fondé par Gilles Grégoire, il mord aussi la poussière dans le comté de Témiscamingue.

Ces échecs ne mettent pas un terme à ses aspirations. La popularité du Crédit social à Ottawa et au Québec pousse un groupe de militants à créer une aile provinciale inspirée des mêmes idées populistes. Lors du congrès de fondation du Ralliement créditiste du Québec, en mars 1970, un millier de délégués choisissent Camil Samson comme chef.

À peine un mois plus tard, lors de l’élection générale, il réussit ce que plusieurs considéraient comme impossible, soit faire élire 12 députés à l’Assemblée nationale, face au gouvernement libéral de Robert Bourassa. «Les créditistes sont là pour rester», déclarait-il, le soir de l’élection.

Le succès s’avérera de courte durée. Des dissensions internes, si caractéristiques des créditistes, obligent Samson à démissionner de son poste de chef du parti. Aux élections de 1973, seulement deux créditistes sont réélus, soit Camil Samson dans Rouyn-Noranda et Fabien Roy dans Beauce-Sud.

Seul réélu de son camp à l’élection suivante du 15 novembre 1976, M. Samson présidera la disparition du Ralliement des créditistes et finira par joindre les libéraux. Fédéraliste convaincu, il embarquera dans le camp du Non au référendum du 20 mai 1980 sur la souveraineté du Québec.

Battu comme candidat libéral de Claude Ryan en 1981, l’ancien chef créditiste sera tour à tour animateur radiophonique à Québec, puis organisateur permanent pour les libéraux fédéraux, dont il sera un des candidats malheureux au scrutin de 1993.

Les plus instruits lui tourneront le dos, les médias ne le prendront pas au sérieux, mais les qualités d’orateur de Camil Samson auront été remarquées par «l’autre petit gars de Shawinigan». Jean Chrétien ira le recruter pour convaincre les Québécois de voter «Non», au référendum de 1980. Comme Jean Chrétien, Camil Samson sait s’adresser à une foule dans un langage populiste qui plaisait aux électeurs ruraux.

«Samson et moi étions nés dans la même rue, écrit M. Chrétien dans son autobiographie. Malgré son esprit conservateur et ses réactions de droite, il était extrêmement amusant et nous avions en commun le style populiste particulier à la Mauricie.»

Camil Samson et ses adjoints créditistes ont mené plusieurs combats célèbres, qui paraissent aujourd’hui folkloriques.

Député à l’Assemblée nationale, il pourfendait le gouvernement Bourassa qu’il accusait de vouloir fluorer l’eau potable pour favoriser l’hygiène dentaire. «Le fluor ramollit le cerveau», avait-il plaidé, jusqu’à ce qu’on lui fasse observer que l’eau potable de sa propre ville de Rouyn-Noranda était fluorée depuis plus de 25 ans.

M. Samson a aussi accusé les gouvernements libéraux et péquistes de «sortir le Bon Dieu des écoles pour y faire entrer la drogue et le sexe». Il a combattu avec vigueur, en 1977, la décision de l’Assemblée nationale de retirer la prière traditionnelle au début de chaque séance quotidienne, une décision visant à respecter la diversité religieuse des députés.

Il prônait aussi que la place de la femme est au foyer. «Le travail féminin contribue à l’effritement de la cellule familiale et les mouvements de libération de la femme sont des mouvements de contestation qui mènent à la lutte des classes et au socialisme», a-t-il déjà écrit.

Les souvenirs d’une vie bien remplie

En entrevue à La Presse Canadienne, Daniel Samson a indiqué que son père aimait se remémorer les faits marquants de sa carrière politique.

«C’est certain que la politique a fait partie de sa vie. Je n’étais pas encore au monde qu’il faisait déjà de la politique, et je suis âgé de 51 ans… C’est peu dire!

«Il est certain que les événements de la crise d’Octobre de 1970, avec le FLQ, ont été une période spéciale, puisqu’il arrivait alors en politique active», a-t-il dit.

Daniel Samson mentionne d’ailleurs que son père a eu beaucoup de bons moments avec les leaders politiques de l’époque, dont Robert Bourassa et René Lévesque.

«C’étaient des hommes avec qui il a beaucoup aimé travailler à l’Assemblée nationale», a-t-il poursuivi.

«Les 48 dernières heures à son chevet ont été particulièrement difficiles. Voir un homme de ce caractère franchir le pas comme cela, nous avons trouvé cela difficile. Il n’en reste pas moins que mon père a toujours aimé faire de la politique et surtout venir en aide aux moins bien nantis», a conclu Daniel Samson.

La première ministre Pauline Marois a pour sa part rendu hommage à Camil Samson, qu’elle a qualifié d’«homme politique incomparable».

«Camil Samson ne laissait personne indifférent. Son langage coloré et les images qu’il utilisait pour exprimer ses idées ont marqué l’histoire politique du Québec. Beaucoup de gens se reconnaissaient dans son franc-parler et dans les questions qu’il abordait. Il appartenait à une classe de politiciens à part», a dit la première ministre par voie de communiqué.

Aucun détail n’était disponible, pour l’instant, à propos d’éventuelles funérailles.

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