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2015, année de dénonciations

Photo: Archives Métro

L’année 2015 a été marquée par plusieurs dénonciations majeures de cas d’agression ou de harcèlement sexuel qui ont fait les manchettes.

Des femmes ont affirmé, dont une à visage découvert, avoir été victimes à plusieurs reprises de gestes déplacés de la part de Marcel Aubut, qui a par la suite démissionné de son poste de président du Comité olympique canadien.

Shauna Hunt, une journaliste de CityNews qui couvrait un match de soccer du Toronto FC, a été victime en ondes du phénomène «FHRITP», où une personne passe et lance la phrase «Fu** her right in the p**** [Fou***-la dans sa cha***]» dans le micro. Elle a immédiatement confronté les hommes qui en étaient les auteurs. D’autres journalistes ont été victimes du phénomène et l’ont aussi dénoncé publiquement.

Aux États-Unis, 35 femmes ont accusé publiquement l’acteur Bill Cosby de les avoir agressées sexuellement pendant une période allant des années 1960 aux années 2000.

Certaines femmes se sont aussi ajoutées, cette année, au nombre des personnes qui accusent l’ancien animateur de CBC, Jian Ghomeshi, d’agression sexuelle.

Rappelons que l’année dernière, à pareille date, le mot-clic #agressionnondénoncée faisait fureur dans les médias sociaux. La twittosphère découvrait alors que de très nombreuses femmes gardaient le silence sur les agressions dont elles disaient avoir été victimes. Un message ressortait: il faut dénoncer davantage.

«Je suis très encouragée par ces dénonciations, a affirmé d’emblée à Métro Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme. Ça donne de l’espoir, ça donne de la visibilité à l’enjeu, et ces cas très médiatisés peuvent servir de modèles», a-t-elle dit.
Il est toutefois difficile de savoir si cela a entraîné une hausse du nombre de dénonciations chez les femmes en général ou si cela a créé un précédent à effet durable. «Évidemment, on les encourage à dénoncer, mais il ne faut pas oublier que ça demeure quelque chose de très difficile, qui peut marquer une vie», a-t-elle ajouté.

Mme Miville-Dechêne a mentionné que la plainte pour agression sexuelle déposée par la chanteuse Nathalie Simard, en 2004, contre son ex-agent Guy Cloutier a encouragé plusieurs femmes à faire appel aux autorités pour dénoncer des agressions subies par le passé.

Ces dénonciations très médiatisées en 2015 permettent tout de même «de garder le sujet dans l’actualité. On a tendance, quand il n’en est plus question dans le grand public, à oublier que cette violence s’exerce contre les femmes dans l’intimité», déplore la présidente du Conseil du statut de la femme.

Même son de cloche de la part de Simon Lapierre, professeur à l’Université d’Ottawa spécialisé dans la question de la violence faite aux femmes. Aucune donnée ne nous permet de dire si les dénonciations de la dernière année auront un effet bien précis.

«On peut quand même conclure qu’il y a quelque chose qui se passe dans la société québécoise et canadienne, a affirmé M. Lapierre. De mémoire, ça fait longtemps qu’on n’avait pas parlé autant de violence faite aux femmes et de violence sexuelle sur la place publique qu’au cours de la dernière année. Il faudra voir si ça se maintiendra au cours des prochaines années.»

M. Lapierre a affirmé que les récentes dénonciations ont lancé un message clair à la population. «Aux femmes qui ont été victimes de violence sexuelle, ça envoie comme message qu’elles ne sont pas seules. Et aux agresseurs, ça leur dit que ces comportements sont inacceptables et qu’il est possible qu’il y ait des conséquences s’ils agissent ainsi», a-t-il rappelé.

«Marcel Aubut était tellement connu que j’ai l’impression que ç’a vraiment donné une leçon sur le harcèlement», a fait valoir Mme Miville-Dechêne.

Une chose est certaine pour ces deux spécialistes: pour qu’on ne retombe pas dans «l’oubli de cette violence», il faut une sérieuse prise de conscience au sein de la société.

Mme Miville-Dechêne a cité en exemple les campagnes de sensibilisation réalisées aux États-Unis et en Ontario contre les agressions et le harcèlement sexuel. Elle espère que le Québec fera de même.

«Je suis convaincue qu’il faut que les hommes prennent la parole. Je crois fondamentalement que les hommes doivent faire partie de la solution en étant ceux qui enseignent aux jeunes que [les agressions ou le harcèlement], ce n’est pas ça, la masculinité», a affirmé Mme Miville-Dechêne, qui a précisé qu’à l’heure actuelle, les cas d’agression sont encore «genrés», c’est-à-dire davantage le fait de jeunes hommes à l’encontre de jeunes femmes.

Les deux spécialistes s’entendent pour dire qu’il y a aussi un rôle important à jouer pour la «tierce personne», c’est-à-dire celle qui est témoin d’une agression. «C’est autant – sinon plus – votre responsabilité, en tant que tierce personne qui n’est pas directement affectée par l’agression, de dénoncer l’agresseur», a insisté Mme Miville-Dechêne.

«Mais il faut aussi aller plus loin et dénoncer ce que plusieurs ont appelé «la culture du viol», a ajouté M. Lapierre, par exemple les blagues sexistes, qui ridiculisent la violence. On a une responsabilité de dénoncer ce qui soutient la violence.»

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