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La musique frontale d’Eddy de Pretto

Eddy de Pretto Photo: Archives Métro

Précédé d’une rumeur extrêmement favorable, le chanteur français Eddy de Pretto lance aujourd’hui un tout premier album, Cure, au croisement du rap et de la chanson française.

Avec un seul EP de quatre chansons sorti à l’automne, le rappeur a déjà raflé une nomination aux Victoires de la musique (dans la catégorie Révélation scène), s’est bouclé deux représentations à l’Olympia de Paris et trois autres à la Cigale, en plus de s’attirer les comparaisons les plus élogieuses.

La plus fréquente est celle avec un certain Stromae, pour ses textes sensibles et sa puissance mélodique. Mais alors que le Belge explore l’extravagance de l’électropop, l’ami Eddy emprunte lui la voie du minimalisme.

Look normcore, chaussettes blanches et coupe au bol, il entoure son flow de rythmes dépouillés.

Sur scène, il se présente dans un décor brut, accompagné uniquement d’un batteur et de son seul iPhone comme instrument.

«J’avais envie que ce soit très direct, très frontal, qu’on entende seulement et précisément le verbe, expose le chanteur à propos de son œuvre et de sa transposition sur scène. Je voulais qu’il y ait très peu de choses visuelles. Et du coup, j’adore cette notion d’arriver sur la scène et de braver seul la foule, d’attraper les cœurs et les âmes avec mes histoires.»

Les thèmes aussi sont brutaux. Originaire de Créteil, ville-dortoir au sud-est de Paris, le jeune homme de 25 ans déclame sur les expériences d’une jeunesse un peu désabusée «qui ne quitte jamais son masque», sur la dureté des rapports humains à l’époque des médias sociaux.

Mais Eddy sait aussi chanter l’amour au masculin, que ce soit pour sa dernière flamme rencontrée Rue de Moscou ou pour son Jimmy, qui avec son «torse gonflé comme un guerrier», «son audace folle et son petit sourire en biais», vient «comme pour le sauver».

«Je raconte tout dans l’album, il n’y a pas de censure, assure celui qu’on verra sur la scène de l’Astral le 10 juin prochain dans le cadre des FrancoFolies. Je n’ai pas tenté de me ménager, je n’ai pas tenté de me préserver, je raconte tout à fleur de peau, comme je l’ai ressenti, sans souci du qu’en-dira-t-on.»

«Je me suis étalé au plus proche de ce que j’avais envie de dire. Je voulais traiter les sujets qui me touchent, qui me peinent, qui me dérangent, parfois même qui me surprennent ou que j’ai envie de questionner. Et voilà. Tout part des mots.»

Ces mots, dont il sait user pour créer des images tranchantes, servent aussi à décrire les lieux qui l’ont vu grandir, la banlieue «bétonnée», «populaire, souriante et quadrillée», «fleurie, remplie de pâquerettes et d’incendies». Ce Beaulieue, comme il le chante, qu’il vaut mieux quitter les «poches sans fric» pour devenir celui qu’on veut vraiment être.

«Je jouais le jeu, je m’y plaisais même, avoue Eddy de Pretto à propos de ses années à Créteil. Et j’étais ravi de faire partie d’un groupe, de quelque chose d’assez puissant. Il y avait une certaine force là-dedans.»

«J’ai joué le jeu, mais il y a dans cette vie quelque chose qui t’enferme, ce truc qui te tient, qui te dit comment il faut être, comment il faut te tenir. Même si ce n’était pas analysé et conscient à l’époque, ça m’a fait énormément de bien d’arriver à Paris pour vraiment être la personne que j’avais envie d’être, totalement.»

Pour y arriver, Eddy de Pretto s’est mis à jouer avec les codes qui nous formatent, celui de la virilité en premier lieu.

Dans Kid, il se met dans la peau d’un père qui ne veut apercevoir «aucune larme glisser sur [la] gueule héroïque» de son fils, mais plutôt voir son «teint pâle se noircir de bagarres et forger [s]on mental, pour qu’aucune de ces dames [ne le] dirige vers de contrées roses.»

«Ce sont des questions que je me pose, parce que j’ai grandi avec ces codes-là et qu’aujourd’hui je ne me sens pas y appartenir, explique-t-il à propos du mythe masculin. Je n’ai pas du tout écrit ça pour être dans l’air du temps ou dans un souci de récupération. J’ai vraiment raconté les histoires comme je les ressentais, comme j’ai été fabriqué.»

Le contraste avec le souvent macho (heureusement de moins en moins) milieu du hip-hop est frappant, même si le principal intéressé ne s’en formalise pas.

«Je ne dis pas appartenir au rap ou au hip-hop, je ne dis appartenir à aucun genre. Je ne pense pas que ça produise un clash ou quoi que ce soit. J’ai juste l’impression de parler de ma vérité avec sincérité et authenticité.»

«Je trouve ça un peu réducteur, une sorte de raccourci, de trop catégoriser la musique. Ça voudrait dire qu’on s’enferme, qu’on se bloque des portes pour aller ailleurs. C’est super intéressant d’être un peu “transgenre” pour passer entre les styles et peut-être en faire découvrir d’autres au public habituel du rap. Peut-être que les gens vont être ouverts, peut-être que ça va les interroger, peut-être qu’ils vont détester. L’important c’est de susciter des réactions.»

L’album Cure d’Eddy de Pretto
Disponible en magasin

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