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Le dernier gardien de la Main s’éteint

Photo: Josie Desmarais/TC Media

Un personnage bien connu du boulevard Saint-Laurent, Adrian Edgar, s’est éteint la semaine dernière. Celui que plusieurs commerçants surnommaient comme l’un des gardiens de la Main, a marqué le cœur des gens du quartier, malgré sa situation d’itinérance.

Peu de personnes sans domicile fixe peuvent se vanter d’avoir été immortalisées dans une murale et dans deux documentaires, mais ce fut le cas de M. Edgar qui laisse dans le deuil plusieurs citoyens du quartier.

«J’ai beaucoup de peine. Son salut me manque quand je quitte le resto, tard le soir. Mes employés sont sous le choc. J’ai une cliente qui est entrée ici en pleurant l’autre jour quand elle a appris. C’était un voisin pour nous», relate la propriétaire du restaurant Coco Rico, Gloria Souca.

De nombreux commerçants se sont dits bouleversés par la disparition de l’homme qui aurait eu 54 ans cette semaine et qui faisait partie de leur quotidien depuis parfois plus de 20 ans. Adrian Edgar s’était retrouvé dans la rue pour la première fois, à l’âge de 20 ans, peu après avoir reçu un diagnostic de schizophrénie de type paranoïde. Depuis, il avait fait le choix d’y rester.

Sa bonne humeur et sa politesse en quémandant, coin Duluth et Saint-Laurent, était reconnue dans le secteur. Il faisait partie, avec deux de ses amis aussi itinérants, du trio surnommé les gardiens de la Main.

Les compagnons ont obtenu ce nom de la part des commerçants, car ils gardaient la paix sur l’artère, en protégeant leur coin de rue contre les personnes mal intentionnées.

«C’était les gardiens de notre coin. Ils savaient ce qui se passait. Ils étaient toujours là et nous informaient. Ils nous prévenaient même de déplacer notre voiture quand les agents de stationnement arrivaient. On travaillait en équipe pour garder le coin sécuritaire», rappelle le propriétaire du Laïka et président de la Société de développement du boulevard Saint-Laurent (SDBSL), Bruno Ricciardi, qui connaissait M. Edgar depuis 20 ans.

Le Schwartz était le commerce devant lequel cet incontournable de la Main avait élu domicile. Il y recevait même les appels de son frère de Vancouver.

«Les gens l’aimaient. Il était toujours poli et respectueux. Il ouvrait la porte aux gens. Ça fait bien de la peine. On en a vu beaucoup qui sont partis», relate l’assistant-gérant de Schwartz et employé depuis 42 ans dans le restaurant de renommée internationale, Joao Goncalves

M. Edgar a aussi été immortalisé dans une fresque dans le cadre du festival Mural, l’an dernier. L’artiste Axel Void a immortalisé son visage sur la maison de chambres Clerc, où il demeurait.

«J’ai raconté son histoire à Alejandro (Axel Void), sur le fait qu’il venait de perdre son ami Herman et ça l’a beaucoup touché. C’était dans le cadre de sa série Nobody. Ça nous a tous pris par surprise qu’il choisisse la terminologie française, soit personne, pour son double-sens. Adrian était très touché. Ça lui a donné une fierté qu’il n’avait pas avant», raconte le cofondateur du festival Mural, André Bathalon.

Le frère d’Adrian, Matthew Edgar, habitant Vancouver, a été touché par l’impact qu’il a laissé à Montréal.

«Chaque fois que je le cherchais, tout le monde le connaissait, mais personne ne savait où il était. Une amie de Montréal m’a indiqué l’avoir vu dans un documentaire sur Schwartz. C’est là qu’on a repris contact et je l’appelais au restaurant», se remémore M. Edgar.

Ce dernier s’étonne de la popularité de son frère.

«Il a très certainement laissé sa marque. Je suis arrivé à Montréal, il y a trois semaines et j’ai fixé la murale en son honneur pendant près de 45 minutes. Je n’en revenais tout simplement pas à quel point elle est gigantesque. Il était juste une personne itinérante, mais il avait sa fresque, son documentaire et son nom dans les journaux», s’émerveille M. Edgar.

Ce dernier souligne que la situation de son frère met en lumière les difficultés qu’ont les personnes avec des problèmes de santé mentale à vivre dans la société.

«Il ne pouvait tout simplement pas vivre le même type de vie que tout le monde. Et avec sa maladie, il se sentait mieux dans la rue», conclut-il.

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