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Rares sont ceux qui comprenaient Stephen Hawking

FILE - In this March 30, 2015 file photo, Professor Stephen Hawking arrives for the Interstellar Live show at the Royal Albert Hall in central London. Hawking, whose brilliant mind ranged across time and space though his body was paralyzed by disease, has died, a family spokesman said early Wednesday, March 14, 2018. (Photo by Joel Ryan/Invision/AP, File) Photo: The Associated Press

WASHINGTON — Pratiquement tout le monde avait entendu parler du génie de Stephen Hawking, mais rares étaient ceux qui comprenaient vraiment ce qu’il racontait — pas même les astronomes les plus chevronnés de la planète.

M. Hawking — qui est décédé mercredi chez lui à Cambridge, au Royaume-Uni, à 76 ans — était le génie scientifique le plus connu de la planète. On l’avait vu dans «Star Trek: The Next Generation» et dans «The Big Bang Theory», il avait fourni sa propre voix à son personnage dans les «Simpsons» et il a écrit un best-seller, «Une brève histoire du temps» (A Brief History of Time).

Il a vendu neuf millions de copies de ce livre, mais plusieurs lecteurs ne l’ont jamais terminé, ce qui en fait, selon certains, «le best-seller le moins lu de toute l’histoire». Hollywood a célébré sa vie en 2014 avec le film biographique «La théorie de l’univers» («The Theory of Everything»).

D’une certaine manière, M. Hawking avait hérité de la couronne de scientifique-vedette d’Albert Einstein.

«Sa contribution aura été d’intéresser le public d’une manière qu’on n’avait peut-être jamais vue depuis Einstein, a dit l’astronome Wendy Freedman, l’ancienne directrice des observatoires Carnegie. Il est devenu l’icône d’une intelligence qui dépasse celle des simples mortels. Les gens ne comprennent pas vraiment ce qu’il raconte, mais ils savent qu’il est brillant. Il y a possiblement un élément humain dans ses combats qui fait que les gens s’arrêtent et écoutent.»

La plupart d’entre nous avons entendu parler de la formule e=mc2 d’Einstein, mais qui comprend vraiment ce que ça veut dire? Les travaux de Stephen Hawking étaient trop complexes pour la plupart des gens, mais on devinait quand même qu’il essayait de comprendre quelque chose de fondamental.

«Il essayait de répondre aux plus grandes questions: la naissance de l’univers, les trous noirs, la direction du temps, a dit Michael Turner, un cosmologue de l’Université de Chicago. Je pense que ça retenait l’attention des gens.»

Et il le faisait d’une manière coquine, en témoignant de son humanité même s’il était confiné à son fauteuil roulant par la sclérose latérale amyotrophique, une maladie dégénérative du système nerveux parfois appelée maladie de Lou Gehrig.

Il avait volé à bord d’un avion spécial pour expérimenter l’apesanteur. Il avait parié publiquement avec d’autres scientifiques concernant l’existence de trous noirs et de la radiation qui en émane — après avoir perdu les deux paris, il a dû abonner l’un d’eux au magazine Penthouse et acheter une encyclopédie du baseball à l’autre.

«La première chose qu’on remarque est cette maladie horrible et le fauteuil roulant», a dit M. Turner. Mais son intelligence et «la joie que lui procurait la science» remontaient ensuite à la surface. Et si le public ne comprenait peut-être pas ce qu’il racontait, on saisissait sa quête des grandes idées, poursuit-il.

Andy Fabian, un astronome de l’Université de Cambridge et le président de la Société royale d’astronomie, raconte que M. Hawking lançait ses présentations sur les trous noirs devant un public non initié avec une blague: «Je vais tenir pour acquis que vous avez tous lu ‘Une brève histoire du temps’ et que vous l’avez tous compris». Ça faisait toujours bien rire.

«Je peux vous dire que l’astronome moyen comme moi n’essaie même pas de suivre les théories les plus ésotériques que (Hawking) a exploré depuis 20 ans, admet M. Fabian. J’ai assisté à certaines de ses présentations et je n’arrivais pas à le suivre.»

M. Hawking, qui était né 300 ans jour pour jour après la mort de Galilée, occupait le même poste à l’Université de Cambridge qu’Isaac Newton, celui de «Lucasian Professor of Mathematics». Aussi bien les physiciens que les astrophysiciens prétendaient qu’il appartenait à leurs rangs, mais la plupart des travaux de M. Hawking concernaient la cosmologie, une branche sophistiquée de l’astronomie qui essaie d’expliquer l’univers dans sa globalité.

Les recherches de M. Hawking sur les trous noirs, au milieu des années 1970, ont permis de combler des trous béants en physique. Avant que M. Hawking ne découvre la radiation qui s’échappait des trous noirs — un phénomène ensuite baptisé «radiation de Hawking» — les deux principales théories de la physique, la théorie générale de la relativité d’Einstein et la mécanique quantique, entraient souvent en conflit. M. Hawking a été le premier à démontrer qu’elles étaient reliées, ce que M. Turner et d’autres avaient qualifié de percée à ce moment.

L’idée que de la radiation puisse s’échapper des trous noirs a peut-être déplu aux auteurs de science-fiction, mais elle a fasciné toute une nouvelle génération de jeunes astronomes. L’idée était d’autant plus révolutionnaire qu’elle démontrait que les trous noirs ne sont pas éternels, a dit M. Turner.

M. Hawking a aussi développé une théorie selon laquelle les trous noirs sont des objets simples qui tournent sur eux-mêmes, qui ont une masse et une charge, mais sans plus.

Ces deux concepts forment les pierres d’assise de notre compréhension actuelle des trous noirs.

M. Hawking s’est aussi intéressé aux origines de l’univers. Il a tout d’abord ébauché des théories concernant la «singularité» du jeune univers en formulant des équations mathématiques élégantes qui comparaient le temps à des vagues. Ses propres recherches ont éventuellement contredit certains de ces éléments.

Mais cette intelligence stupéfiante recouvrait une personnalité étonnante. Ses collègues mentionnaient souvent son sens de l’humour déjanté, son sourire large, son entêtement. Et même le public détectait instantanément son attitude coquine, selon M. Turner et Mme Freedman.

«Il a ajouté un visage humain à la science, a dit M. Turner. Ça dépasse largement son fauteuil roulant.»

La véritable histoire est celle de la fascination du public pour ce petit homme, prisonnier d’un fauteuil roulant et d’une maladie qui ne cessait de s’aggraver, mais doté d’une intelligence inimaginable.

Le public s’identifiait à l’homme, Stephen Hawking, et à son histoire, selon Mme Freedman.

La lueur qu’il a projetée sur les mystères du cosmos n’était qu’une prime.

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