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Hors du commun: À chacun sa case

Chaque semaine, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne 45, direction nord. Nous sommes mercredi, il est 17h50. Nous sommes cordés en cette fin de journée et tentons de nous accorder malgré le manque d’espace. Chacun semble surchargé, de paquets ou de fatigue.

J’ai réussi à trouver une place libre. La dernière. Complètement à l’arrière. Je me retrouverai donc, pour ce voyage, entre une jeune dame qui cherche une liste de lecture à écouter sur son iPod et un homme dans la trentaine.

Je comprends qu’il s’appelle Benoît, car, au moment où je tentais de m’asseoir, il était au téléphone et s’est nommé alors qu’il laissait un message. Il reprend sa lecture comme je me «stationne» le mieux que je peux entre mes deux voisins de banquette. Un geste qui est aussi délicat que d’effectuer un stationnement en parallèle serré dans une rue étroite.

Revenons à cet homme qui lit, à ma droite. Il est sérieusement emmitouflé et a déployé devant lui un roman graphique que je me promets de lire depuis sa sortie (en 2011).

Vous connaissez peut-être? Il s’agit de Chroniques de Jérusalem, du Québécois Guy Delisle. Tout ce que je sais de cette BD c’est qu’elle est autobiographique et que l’auteur y raconte une année passée en Israël avec sa famille. Un genre de journal de bord illustré.

Benoît est complètement absorbé par les séquences du récit. Je profite de sa concentration pour lire par procuration. Les dessins sont aussi simples que jolis. Le texte paraît sincère et précis.

Du peu que je puisse en comprendre, l’auteur semble réussir à communiquer l’atmosphère de ces lieux qui, pour la plupart d’entre nous, sont si mystérieux.

Je sens que Benoît s’est rendu compte de mon intrusion. Je suis dans sa bulle. Je me retire un peu physiquement, en guise d’excuse. Je réalise alors que, tous côte à côte que nous sommes, nous reproduisons un peu l’idée d’une BD. Dans la mesure où chacun est dans sa case. Chacun a son phylactère et est en dialogue avec autrui ou en monologue intérieur.

Les parois de ces cases sont déterminées par une notion d’espace vital qui est aussi tacite qu’arbitraire. Certaines desdites cases sont rectangulaires, voire longues et étroites. D’autres, plutôt carrées.

Et suivant notre état d’esprit et notre point de vue, on s’y sent coincé, étriqué ou encore protégé, à l’abri de l’envahissement. On peut se représenter sa case comme une boîte ou une fenêtre.

Et celles de Guy Delisle, elles, de toute évidence, semblent ouvrir sur le monde.

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