Alexandre Bissonnette ou faire confiance au droit
On observe probablement le phénomène depuis toujours, mais certainement davantage depuis l’avènement des médias sociaux. Cela s’applique assurément à une panoplie de trucs, mais je parle, en l’espèce, de la critique du droit, ou plutôt de son application, par le citoyen.
Normal et sain, remarquez bien. Tout régime démocratique fondé sur l’État de droit implique la légitimité du cadre normatif (les lois et les règlements, par exemple) et des institutions (judiciaires, notamment).
Facile de comprendre que sans cette même légitimité, l’État de droit opère alors dans la désapprobation populaire, et doit conséquemment se vautrer dans l’usage de la force pour se faire respecter. L’illustration actuelle des agissements de Madrid envers Barcelone est ici assez pertinente merci.
Évidemment, et comme je le mentionnais plus haut, la question de cette même légitimité s’avère davantage complexe depuis la naissance des réseaux sociaux. Parce que tout un chacun, par définition, peut maintenant s’exprimer haut et fort sur ce qu’il croit juste ou non.
Les exemples pullulent: l’affaire Guy Turcotte, le concept d’accommodements raisonnable, le dossier Mike Ward-Jérémy, les Shafia, les immigrants «illégaux», l’enquête sur Gerry Sklavounos, etc.
Le problème, cela dit, réside en ceci : les nuances du droit sont tellement nombreuses qu’il est souvent difficile pour le citoyen – et même pour le juriste! – de se prononcer avec précision ou justesse sur celui-ci. La place publique est inondée par conséquent d’une tonne de fausses informations ou opinions mal fondées, lesquelles contribuent d’autant à la détérioration de la confiance du citoyen dans son système de justice.
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Le dernier cas de figure en lice, soit l’affaire Alexandre Bissonnette, est plutôt révélateur de ce qui précède. Entré dans une mosquée avec une arme prohibée, Bissonnette a assassiné, froidement, six musulmans de la région de Québec. Indicible spectacle.
Selon les preuves disponibles, il semble indéniable qu’il s’agisse ici de meurtres motivés par des motifs idéologiques ou politiques, et ce, dans le but de faire craindre la totalité ou une partie de la population. Cela entre, texto, dans la définition même d’acte terroriste.
Or, on apprend aujourd’hui que Bissonnette ne sera pas accusé de ce même chef, mais plutôt de meurtre prémédité. Les familles des victimes, et on peut aisément partager leur déception, s’offusquent d’un tel choix. D’autres s’interrogent sur le choix du chef d’accusation, le jugeant trop laxiste, et se demandant si celui-ci a un quelconque rapport avec le fait que Bissonnette soit un «Blanc pure laine».
Rien à voir, malheureusement. Même pas une petite théorie du complot de rien du tout. Nada.
Tout simple : Bissonnette est déjà accusé de meurtre prémédité, accusation qui prévoit la prison à vie, sans libération possible avant 25 ans. La sanction la plus sévère, quoi. Ce qui fait en sorte que l’accusation de terrorisme, en plus d’être plus ardue à prouver, ne changerait absolument rien à la peine pouvant être infligée. Pire, elle risquerait de faire foirer la condamnation souhaitée.
Mais pourquoi cette infraction de terrorisme existe-t-elle, alors? Simplement pour rendre plus sévères les sanctions propres à d’autres crimes moins graves que le meurtre. Un incendie visant des musulmans, par exemple.
Morale de l’histoire? Une saine décision. Exempte de complot. Comme ça arrive, parfois.