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Au musée du quai Branly

People visit the Quai Branly Museum-Jacques Chirac where some 300,000 works originating from Africa, the Middle East, Asia, Oceania and the Americas are displayed on March 15, 2018, in Paris / AFP PHOTO / Ludovic MARIN Photo: Ludovic Marin/Agence France-Presse

Durant mon séjour à Paris, je me suis informée s’il y avait la possibilité d’avoir une visite décoloniale de la ville, un peu comme ce que Webster fait à Québec avec Qc History X. Hélène Nicolas, une anthropologue, a été assez gentille pour nous faire une visite privée du musée du quai Branly. Peut-être que certains d’entre vous sont familiers avec les débats entourant la collection controversée du musée.

En arrivant là, j’aperçois dans la boutique de fausses coiffes à plumes, à côté de répliques d’arts autochtones, en vente pour la modique somme de 35€: je me dis que ça va être une super visite (not). Mon attention est vite attirée par un totem géant du peuple Wet’suwet’en dans l’entrée et un moai de l’île de Pâques. Une brève description du totem mentionne la région d’où il provient, et que c’est un don de Kurt Seligmann, défunt peintre suisse. Comment ce peintre suisse avait-il d’ailleurs obtenu le totem? Plusieurs mystères planent autour des 30 000 objets du musée, mais nous savons qu’une bonne partie a été pillée durant la colonisation.

J’ai vite été prise d’un malaise : les trônes, couronnes, statues royales et – littéralement – les portes du royaume de Dahomey y sont exposés avec la mention «don du général Dodds». Le musée aurait pu ajouter que le général Dodds et ses troupes ont pillé ces objets durant la campagne au Dahomey, mais vous comprendrez que ce n’est pas à leur avantage. Le Bénin réclame actuellement les objets, en affirmant que la restitution serait une forme de réparation pour les conséquences de la colonisation.

J’appréhendais mon passage dans la section des Amériques et j’avais raison de m’inquiéter. J’ai regardé bien tristement les coiffes à plumes d’ara et les autres artefacts qui n’étaient pas accompagnés d’information sur la façon dont le musée en avait fait l’acquisition. Il y avait une tenue de ghost dance, danse que Wovoka avait reçue dans une vision. Rien ne disait que cette cérémonie de résistance a mené au plus grand massacre de l’histoire des États-Unis: le massacre de Wounded Knee. La robe était là, presque complètement décontextualisée. Une pipe sacrée était exposée avec les deux bouts connectés. Dans nos cultures, on ne laisse pas sa pipe connectée lorsqu’on ne la fume pas, car joindre les deux bouts, c’est réveiller l’esprit à l’intérieur. C’est un protocole pourtant simple que le musée connaîtrait s’il travaillait réellement en partenariat avec nous. On décrivait aussi la cérémonie du sun dance comme un «rite d’automutilation» et, en tant que sun dancer, ça m’a un peu jetée par terre.

Je vous épargne la totalité des aberrations constatées dans ce musée, car elles sont nombreuses. Bon nombre de ces objets sont sacrés et les protocoles les entourant ne sont pas respectés. La désacralisation au nom de quoi, au fond? Du divertissement. Le musée, jusque dans ses décors, essaie de nous faire passer nos cultures pour de l’art primaire. Le musée génère d’importantes sommes pour l’État français et s’il ne veut pas considérer la restitution, il pourrait au moins créer des partenariats avec les peuples concernés, respecter les protocoles sacrés et fournir aux visiteurs les bonnes informations.

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