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Métacritique du Bye Bye

Joël Legendre en Éric Salvail et Véronique Claveau en Marie-Mai dans le Bye Bye 2014. Photo: Robert Ferron

L’exercice me fascine. Chaque année, le quart des Québécois s’installe devant son téléviseur le 31 décembre au soir pour tourner la page sur l’année qui vient de passer. Avec les reprises et autres écoutes différées, c’est environ la moitié des Québécois qui regardent le Bye Bye et se font leur propre idée de si ils ont trouvé ça drôle ou pas.

Dans la même semaine, une poignée de commentateurs s’adonnent à faire la recension de la revue de l’année, nous indiquant, selon eux, quel sketch a été drôle ou moins drôle. J’imagine qu’ils font ça pour les quatre millions de Québécois qui n’ont PAS regardé le Bye Bye : PK Subban, une grosse anglaise, ma grand-mère placée en quarantaine au CHSLD, les p’tits trop p’tits pour écouter la télé passé 8h.

Invariablement, certains critiques se contredisent, les uns ayant trouvé le numéro sur Claude Dubois HI-LA-RANT, les autres ayant trouvé que c’était le numéro le plus plate du Bye Bye. Certains ont trouvé Joël Legendre très crédible en Éric Salvail, d’autres ont trouvé qu’il ne l’avait pas pantoute. Un qui trouve que les références à la télévision – ce produit culturel de la plèbe – envahissaient l’écran, un autre qui trouve qu’elles n’étaient pas assez nombreuses. La conclusion inévitable – et incroyablement invalidante pour le travail des commentateurs – est que tous les goûts sont dans la nature et qu’il revient à chacun de se faire sa propre opinion de la revue que tout le monde a vue. Comme le Bye Bye est diffusé au moment de l’année où les nouvelles tournent au plus lent, l’exercice se transforme presque toujours en important défouloir collectif, ce qui a amené un perspicace pupitreur de Radio-Canada à titrer que Le Bye Bye 2014 fait réagir.

Par le passé, ce phénomène m’a amenée à attribuer des notes aux critiques du Bye Bye ou encore à les classer par genre. Cette année, je me suis permis de prendre un peu de recul afin de réfléchir sur nos attentes collectives envers le Bye Bye. Croyez-moi, cinq jours, pour réagir au Bye Bye, c’est une éternité.

Ce recul m’a permis de constater qu’une voix intéressante s’est ajoutée au brouhaha post-Bye-Bye 2014 : celle de Marie-Claude Ducas. L’ex-rédac’chef d’Infopresse et spécialiste des communications explique pourquoi on trouvera de moins en moins drôles les Bye Bye. Son billet aurait aussi pu s’intituler : Pourquoi il sera de plus en plus difficile de faire un Bye Bye. Elle énumère les raisons pour lesquelles il est moins facile qu’au temps d’Olivier Guimond de faire rire la majorité des Québécois. Plus de concurrence à l’année (un constat que faisait déjà Stéphane Baillargeon en 2011), des blagues déjà faites sur les réseaux sociaux, et des références culturelles de plus en plus éclatées. En effet, les émissions de télé récoltant des cotes d’écoutes de l’ordre de celles des Filles de Caleb ou de La Petite vie n’existent pratiquement plus.

À ces constats, j’ajouterais 1. Un manque flagrant de culture générale et 2. Un désir narcissique de se reconnaître dans «son» Bye Bye, comme si la revue de l’année de Radio-Canada devait aussi être un miroir de l’année de Ginette, de Gérard, de Suzie et de Steve. (Heureusement ou malheureusement, cette année, Facebook était là pour ça.)

Comme Ginette, Gérard, Suzie et Steve ne sont pas allés au cinéma cette année, on ne devrait pas y faire référence. Dans son appréciation du Bye Bye, la chroniqueuse Lise Ravary soulignait que, comme une majorité des Québécois, elle n’avait pas le vu film La petite reine, et qu’en conséquence, elle ne pouvait apprécier à sa juste valeur le sketch mettant en parallèle l’argumentaire royal de Lise Thibault et le film sur la vie de Geneviève Jeanson. Je vous rassure, chère collègue, pas besoin d’avoir vu le film pour comprendre les liens entre son titre et le fait que Lise Thibault ait pris son rôle de vice-reine beaucoup trop au sérieux, et entre le déni de l’ex-lieutenante-gouverneure quant à l’abus qu’elle a fait des fonds publics et le déni de Geneviève Jeanson quant à son utilisation d’EPO. Les parallèles entre les deux histoires étaient tellement forts que c’est une chance pour l’équipe du Bye Bye que personne n’ait eu l’idée avant.

Je comprends qu’il sera de plus en plus difficile faire l’unanimité, mais je suis convaincue que l’on regrettera unanimement les références «obscures» au pétage de coche d’Anne Dorval, aux sourcils de Biz et au tannant dans Mommy le jour où le Bye Bye ne sera qu’une grosse référence à Philippe Bond.

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