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«Fuck toute»

Photo: Yves Provencher/Métro

Les manifestations étudiantes débutent à peine que déjà, l’argument qu’on leur oppose principalement est leur manque d’objectif clair et précis. Leurs revendications portent sur quoi au juste? L’austérité, le pétrole, le patriarcat? «Fuck toute», repéré ici et là sur des pancartes et des banderoles d’étudiants en arts visuels, semble résumer – et invalider aux yeux de plusieurs – les revendications étudiantes.

Mais si toutes ces demandes s’avèrent difficiles à circonscrire, cela ne les rend pas moins pertinentes. Cela mine, au pire, l’efficacité de la démarche. En effet, peut-on se demander, à partir de quand les demandes seront-elles jugées satisfaites au point de justifier un arrêt des moyens de pression? Nous réfléchissons de la sorte parce que, traditionnellement, les grèves étudiantes ont porté sur des revendications étudiantes précises – taxe à l’échec, coupes de 103M$, augmentation des droits de scolarité, etc. – qui nous permettaient d’espérer ou d’imaginer une conclusion. Comme s’il n’était pas envisageable de simplement manifester son mécontentement.

Or, le printemps 2012 nous a appris – et les assos semblent en avoir pris bonne note – qu’au-delà des enjeux qui les touchent directement, les étudiants se battent pour des enjeux sociaux qui les dépassent. En 2012, les étudiants manifestaient pour un gel des droits de scolarité qui profiterait à leurs successeurs et à l’ensemble de la société. Ils ont peut-être, alors, pris conscience qu’ils représentaient une certaine réalité démographique: une jeunesse instruite (ou désireuse de l’être) portée par un idéal de solidarité sociale.

Bien sûr, tous les étudiants ne s’identifient pas à cet idéal. Mais un nombre suffisant d’entre eux se reconnaît dans ce «toute» pour engendrer un débrayage et prendre la rue. Pourtant, ce grand «toute» aurait de quoi décimer les rangs des protestataires. Peut-être que Tania Roberge s’oppose au transport du pétrole par oléoduc sur le territoire québécois, mais qu’elle se sent trop mal à l’aise de s’opposer aux mesures d’austérité qu’elle juge nécessaires pour appuyer les revendications de son asso. Si ça se trouve, Jonathan Lachapelle marcherait contre les mesures d’austérité touchant principalement les plus vulnérables, mais s’abstiendra puisqu’il est favorable au développement pétrolier. Organiser une lutte contre «toute» n’est pas une mince affaire.

Et pourtant, ce «fuck toute» parle. Il crie le désarroi d’un groupe considérable qui se dit «fuck toute» le matin en lisant les journaux et en constatant que le gouvernement en place dilapide les ressources naturelles sans penser aux générations futures, coupe les vivres aux populations les plus vulnérables et gère les enjeux qui touchent les femmes comme s’il s’agissait d’un cheptel d’émeus. Cette frange de la population prend la rue pour qu’on ne puisse pas dire que tout ça se passe dans la plus grande indifférence.

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