Les étudiants
Vendredi dernier, une vidéo montrant une étudiante masquée du Cégep du Vieux Montréal interdisant à un camarade de s’adresser à un journaliste, expliquant qu’un «huis clos» médiatique avait été voté en assemblée générale, a circulé abondamment sur les réseaux sociaux. Il n’en fallait pas plus à certains pour y voir la preuve des visées totalitaristes des étudiants.
J’ai partagé cette vidéo, amusée d’y voir le pénible apprentissage de la démocratie (et, surtout, de ce qu’elle n’est pas) se faire sous nos yeux. Je comprends certains étudiants d’être déçus pas la couverture médiatique qui a tendance à montrer deux côtés d’une même médaille, et donc, forcément, un côté qu’ils n’aiment pas. Mais il leur faudra peut-être plus qu’un DEC Optimonde avant de pouvoir donner des leçons de démocratie quand leur définition de celle-ci exclut les médias.
Les médias, pas seulement ceux qui confortent notre vision du monde, sont un pilier de la démocratie, que celle-ci se déroule à main levée ou par vote secret. Ils nous permettent de nous faire une idée éclairée sur des enjeux complexes. Et plus ils sont nombreux et variés, mieux nous sommes outillés pour faire des choix.
Ils devraient nous permettre, si on les consulte avec assiduité, de faire la différence entre le vote-de-grève-après-épuisement-des-troupes s’étant déroulé au Cégep du Vieux Montréal la semaine dernière et les revendications de l’AFESH, une association de l’UQAM, qui a voté sa reconduction de grève sans trop d’histoire. Quand j’entends quelqu’un dire «Ça respecte pas le vote de grève et après ça fout le bordel dans l’université», je me dis que trop de personnes se font une tête sur des enjeux complexes en ne lisant que les gros titres. Les médias sont un pilier de la démocratie, à condition bien sûr qu’on fasse notre bout de chemin.
Force est aussi de reconnaître que certains médias jouent mieux leur rôle de chien de garde que d’autres. Quand vous tendez un micro complaisant au recteur de l’UQAM et que vous ne lui offrez aucune contrepartie, vous n’êtes pas plus en train de comprendre la démocratie que cette étudiante qui aurait avantage à polir les fondements de son anarchosyndicalisme.
Finalement, on peut difficilement tirer des conclusions du mouvement étudiant à partir d’une manifestation, aussi patente soit-elle, de dérapage. Les étudiants sont, par définition, en formation. Certains arrivent au Cégep plus formés que d’autres aux questions civiques. D’autres, visiblement, apprennent sur le tas. Il en va de même à l’université. Bien que madame Bombardier semble en douter, généralement, plus on va à l’école, plus on s’instruit, et plus notre compréhension du monde s’en voit éclairée. Il y a bien sûr des exceptions. Un diplôme n’a jamais empêché qui que ce soit d’être con. Par ailleurs, le fait de ne pas être allé à l’école ne vous rend pas démocratiquement inculte. Mais il faut vouloir se vautrer dans l’anti-intellectualisme pour croire que tous les étudiants ont une compréhension si erronée de ce qu’est la démocratie. Déjà, ils sont si différents les uns des autres.