Idée # 5 : L’exemple vient d’en haut

Note: Une fois par semaine ou à peu près, j’ajouterai une proposition qui, s’ajoutant à d’autres, composera éventuellement une liste de 100 idées pour le Québec

Pour un leadership éthique dans la vie publique

Au début du film Invictus, on voit Nelson Mandela, nouvellement élu président d’Afrique du Sud, demander s’il y a une erreur sur son premier chèque de paie. Il demande à ce que son salaire soit réduit.

John Kennedy, lui, avait carrément renoncé à sa rémunération en tant que président des États-Unis.

À la suite de sa victoire récente à la présidentielle française, François Hollande a décrété une baisse de 30 % de son salaire et de celui de ses ministres. Il a aussi indiqué à ces derniers qu’ils devraient refuser les cadeaux coûteux et les invitations sur le bras – donc pas de visite sur les yachts d’entrepreneurs milliardaires – et qu’ils devaient aussi voyager par train lorsque c’était possible.

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En 2010, alors qu’il tentait de convaincre les contribuables québécois riches et pauvres qu’ils devaient collectivement se serrer la ceinture, notamment par l’instauration d’une contribution santé de 200 $, le premier ministre Charest ne voyait aucun problème à recevoir un salaire de 75 000 $ du parti libéral en plus des quelque 175 000 $ qu’il percevait déjà à titre de premier ministre. La raison : il en avait besoin « pour vivre ». Après s’y être accroché le plus longtemps possible, il y a finalement renoncé lorsque le code d’éthique des élus a été adopté.

Passons sur le fait que la rémunération de monsieur Charest dépendait ainsi au tiers de financement provenant d’intérêts privés. Passons aussi sur le fait que le salaire annuel du payeur d’impôt moyen reçoit « pour vivre » est à peu près d’un sixième que ce que le premier ministre considère normal pour maintenir son train de vie personnel…

Un double message est envoyé par le premier citoyen du Québec. D’abord, que tant qu’une situation n’a pas été déclarée illégale, il n’y a aucune raison de se demander si elle est morale. Ensuite, que c’est le principe « faites ce que je dis, pas ce que je fais » qui s’applique. Pas très inspirant…

Un parallèle peut être aussi être fait avec le conflit étudiant.

On demande à des personnes aux revenus modestes (les étudiants au moment de leurs études) de « faire leur part » par équité pour les autres contribuables. Selon les différentes propositions qui ont été formulées, l’augmentation des droits de scolarité aboutirait à terme à des sommes additionnelles d’environ 100 à 150 millions de dollars par an pour le réseau universitaire.

C’est beaucoup d’argent, mais relativement peu à l’échelle de l’État : le budget du gouvernement du Québec est d’environ 62 milliards avant le service de la dette. N’empêche, si tout le monde fait son petit effort, on va éventuellement pouvoir diminuer notre dette publique, qui a propulsé le Québec dans le club peu enviable des États surendettés. Ça se défend.

Mais comme l’a rappelé mon collègue Akos Verboczy, le même gouvernement a été moins pas mal moins ferme lorsqu’il a été question de la rémunération des médecins spécialistes, à qui il a accordé un « rattrapage » de 30 % il y a quelques années. De sorte que la rémunération moyenne des quelque 20 000 médecins du Québec tourne autour de 270 000 $ dollars, incluant celle des généralistes, et que les sommes totales qui sont été versées atteignent maintenant les 5,4 milliards. Près du dixième du budget de l’État. Ça commence à faire beaucoup de fric.

On ne débattra pas aujourd’hui du salaire des médecins, quoique le gouvernement ontarien a décidé qu’eux aussi devront eux aussi faire leur part (j’aurai l’occasion d’y revenir). Mais d’un simple point de vue de la gouvernance et de l’application des politiques, cela reste une incohérence difficilement justifiable dans la façon de gérer les demandes de deux groupes d’intérêts.

De façon plus générale, on pourrait aussi faire état de la façon discutable (pour être poli) avec laquelle ont été attribués plusieurs contrats de l’État, qu’il s’agisse d’infrastructures routières ou de places en garderies, et de la façon dont le Parti libéral et le Parti québécois ont court-circuité les règles de financement des partis politiques.

L’impression qui reste est que l’important n’est pas de jouer selon les règles, seulement de ne pas se faire prendre.

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L’exemple vient d’en haut. Quand la base sent qu’il y a un petit nombre qui se partagent le gâteau mais que c’est à elle que l’on envoie la facture, et que les principes d’éthique, de morale et de sacrifice s’appliquent de façon inégale en fonction du statut et de l’influence, elle ne suit plus. C’est ce qui arrive présentement.

La première façon par laquelle nos politiciens pourraient regagner cette confiance qu’ils ont tellement mise à mal ces dernières années seraient que leurs bottines suivent leurs babines. Walk the talk, comme on dit en Mongolie inférieure. Ensuite, que ce qui est bon pour pitou le soit aussi pour minou. C’est la seule façon de rallier la population à l’important effort collectif qui devra être déployé si nous voulons préserver nos services publics.

Je citerai aussi à l’intention de nos politiciens cette sage parole de Ben Parker, l’oncle de Spider-Man : « Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités. » Naïf? Pas plus que les milliers de Québécois qui plantent les politiciens dans les sondages sur la crédibilité des différentes professions.

En cette ère où la complaisance et la magouille dégoulinent de partout, le pari de la rigueur, de l’honnêteté et de l’éthique pourrait être gagnant, à condition de prêcher par l’exemple.

Qui osera?

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