Idée # 6 : La clause Charest-Marois

Note: Une fois par semaine ou à peu près, j’ajouterai une proposition qui, s’ajoutant à d’autres, composera éventuellement une liste de 100 idées pour le Québec

Pour un minimum de vraie vie avant la vie politicienne

Pourquoi nos politiciens vont-ils en politique? Quel est le chemin qui les y a menés? Qu’apportent-ils comme bagage? Quelle sont leurs convictions?

De façon plus essentielle, quelle est leur vision du Québec?

On s’attend d’un grand leader qu’il ou elle soit capable de définir et de porter un projet de société et d’avoir la capacité de le défendre contre vents, marées, tsunamis et ouragans.

Jean Lesage, René Lévesque et Lucien Bouchard étaient de cette race de surhommes politiques sur qui ont reposé les espoirs d’une nation toute entière. Le premier a fondé le Québec moderne. Les deux autres ont failli fonder le Québec tout court.

Aujourd’hui, une fois la question nationale enlevée du portrait, il ne reste plus grand-chose à part ce qui est soufflé par le vent des sondages. Dans le meilleur des cas, on est pris avec une gouvernance molle et peu inspirante, plus intéressée à se maintenir au pouvoir qu’à faire avancer un projet de société. Dans le pire, on se retrouve avec des politiciens complètement déconnectés de leurs concitoyens. Ça donne ce que ça donne.

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René Lévesque a eu une longue et fructueuse carrière comme correspondant de guerre et reporter avant d’entrer en politique. Le Brésilien Lula a été ouvrier puis syndicaliste avant de virer son pays à l’envers. Barack Obama, qui a incarné l’Espoir partout dans le monde avant de se faire mettre au pas par un congrès partisan et intraitable, a été travailleur social puis avocat, en plus de bourlinguer pas mal.

Revenons maintenant au Québec contemporain…

Jean Charest  a été élu pour la première fois à la Chambre des communes en 1984, à 26 ans. Il avait été reçu avocat trois ans plus tôt. Pauline Marois a complété des études en service social en 1971, puis une maîtrise en administration des affaires en 1976. Elle est devenue l’attachée de presse de Jacques Parizeau en 1978, et n’a pratiquement pas quitté le monde politique depuis. Ça fait 34 ans. À l’époque, Ken Dryden gagnait encore des coupes Stanley avec le Canadien…

On devrait aussi mentionner Mario Dumont, même s’il a quitté la politique. Diplômé en économie de l’Université Concordia en 1993, il a été élu député l’année suivante.

Il n’y a pas si longtemps, Jean Charest, Pauline Marois et Mario Dumont était les trois chefs de parti qui pouvaient aspirer à devenir premier ministre et diriger le Québec.

À eux trois, ils n’avaient pas dix ans d’expérience en-dehors des murs du Parlement, fédéral ou provincial.

Imaginez un instant que vous êtes la personne aux ressources humaines qui reçoit les CV pour le poste de premier ministre, qui n’est pas seulement le patron des députés, mais celui de tous les Québécois. Charest, Marois et Dumont ont appliqué sur le poste, avec tout leur enthousiasme.

Les auriez-vous seulement rappelés?

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Humble hypothèse : quand on arrive en politique un peu trop tôt, on peut avoir le couteau entre les dents et même un certain talent, mais il risque de manquer un peu de contenu. L’expérience politique pourra être acquise, mais pas l’expérience de vie qui permette de se mettre dans les bottines de Jos Bleau, d’une part, et d’articuler une certaine idée de notre société, d’autre part.

Il serait pourtant assez simple de faire autrement. On n’aurait qu’à exiger de nos futurs députés d’avoir passé une dizaine d’années à travailler dans le « vrai » monde après la fin de leurs études. Le temps d’apprendre à gagner sa croûte, de souffrir un peu, de vivre dans le réel quoi. Peu importe le métier.

Cela permettrait de faire murir l’ambition politique, parfois de l’éteindre, parfois de la repousser, parfois encore de la faire naître devant l’adversité et les injustices du quotidien. Pour les mères  – et les pères – au foyer, les années passées à élever des enfants seraient prises en compte.

L’idée est simplement d’avoir connu autre chose avant d’aspirer à gouverner. Dans cette optique, on ne devrait pas non plus tenir compte des années passées à travailler pour un parti politique comme non-élu. Cela forcerait les partis à recruter ailleurs que dans leurs propres rangs, qui sont un peu des clubs-école pour futurs candidats. Ce n’est pas très bon pour la diversité, et ça contribue à l’atmosphère très partisane que nous connaissons.

Oui, c’est discriminatoire. Comme l’est la tolérance zéro pour les conducteurs âgés de moins de vingt-et-un ans. Ou, plus simplement, comme l’est toute exigence aux fins de se qualifier pour un emploi.

Les Québécois pourraient ainsi entrer dans la vie publique autour de 30 ans, selon la durée de leurs études. On s’entend, ça resterait loin d’une gérontocratie.

Imaginez un instant le paysage politique québécois sans Jean Charest ni Pauline Marois.

Avouez que c’est tentant…

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