Idée #1: Faire compter chaque vote

Note: Une fois par semaine ou à peu près, j’ajouterai une proposition qui, s’ajoutant à d’autres, composera éventuellement une liste de 100 idées pour le Québec

Pour une forme de proportionnalité dans notre système électoral

En 1994, environ un Québécois sur quinze a voté pour l’Action démocratique de Mario Dumont, alors nouvellement fondée. Avec un peu plus de 6 % des voix, l’ADQ a obtenu… 0,8 % de la députation, et Mario Dumont s’est retrouvé seul dans la cage à poules du Salon bleu, malgré la volonté de l’électorat. On pourrait plaider que ça n’était pas si mal pour une première performance, que le parti n’avait présenté des candidats que dans 80 des 125 circonscriptions, et qu’aucun système électoral n’est parfait.

En 1998, avec des candidats dans toutes les circonscriptions, l’ADQ double sa performance et récolte 11 % au suffrage. Mais sur le plancher de l’Assemblée nationale, « Équipe Mario Dumont » était toujours seul avec lui-même. En 2003, avec plus de 18 % des voix, soit l’appui de près d’un électeur sur cinq, le beau Mario se retrouve enfin avec une petite équipe de quatre députés autour de lui*, mais l’ADQ demeure largement sous-représentée par rapport au suffrage exprimé, qui aurait dû lui valoir une vingtaine de députés. Le scénario fut enfin différent en 2007, ou les quelque 31 % des voix obtenus se traduisirent par une récolte proportionnelle de 41 députés. Le chef adéquiste a tout de même été chanceux que ses appuis furent suffisamment concentrés, et non répartis sur tout le territoire québécois, comme ce fut le cas pour René Lévesque. En effet, lors des élections de 1973, le parti québécois arracha seulement six sièges avec 30 % des voix.

Québec solidaire et le parti vert ont eux aussi pâti de notre système électoral pensé pour deux partis. En 2007, la formation d’Amir Khadir et de Françoise David n’a eu aucun député avec 4 % des voix exprimées. Même chose pour le parti vert, dont les appuis ont fondu à l’élection suivante, ses partisans préférant placer leurs billes ailleurs. Québec solidaire s’en est mieux tiré en 2008 avec une victoire à l’arraché d’Amir Khadir contre Daniel Turp dans la circonscription de Mercier. Reste qu’un maigre député pour 4 % des voix, c’est peu. Et on peut penser qu’en-dehors de la « République du Plateau », des électeurs sympathiques à Québec solidaire ont préféré appuyer pour une formation ayant plus de chance de l’emporter que de « gaspiller » ainsi leur vote.

Ce n’est pas normal, et ce n’est pas bon pour la démocratie. Il ne s’agit pas ici de débattre des mérites du programme d’une formation politique ou d’une autre, seulement de prendre acte qu’autant l’ADQ que Québec solidaire constituent ou ont constitué des courants politiques suffisamment importants pour être représentés de façon significative au Parlement. Mais un système électoral aussi inefficace que le nôtre décourage les gens de voter pour un parti qui n’a pas assez de chances de gagner, quand il ne décourage pas de voter tout court. Il n’encourage pas, non plus, les partis bien établis à renouveler leurs idées. La pensée politique devient uniquement une question de stratégie électorale et de financement, avec les résultats désolants que l’on a pu observer depuis quelques années sur le plan de la gouvernance.

À ceux qui prétendent que notre système uninominal à un tour favorise la stabilité, on pourrait opposer que ça n’est plus vrai non plus et qu’outre la stagnation, il peut aussi favoriser le changement radical, l’effet de vague et les balayages, comme on l’a vu lors des dernières élections fédérales. Lorsqu’une formation atteint un seuil critique d’appuis, elle emporte tout le reste et risque de rayer les autres de la carte. On l’a vu avec l’envoi aux oubliettes du parti libéral et le quasi-anéantissement du bloc québécois, d’une part, et l’avènement-surprise du NPD, qui a vu son nombre de députés au Québec passer de 1 à… 59! Au contraire, un système proportionnel s’ajusterait plus graduellement à la volonté de l’électorat et serait moins sujet aux mouvements d’humeur. Surtout, et c’est ce qui est le plus important dans une démocratie représentative, il reflèterait la volonté de l’électorat.

Comment on ferait ça? Simple. Le rapport Béland l’a déjà proposé : on garde 75 sièges élus directement, par circonscription, et on attribue les 50 restants de façon à ce que la proportion de sièges reflète celle des voix exprimées.

Oui, cela va laisser plus de citoyens par circonscription, soit un peu plus de 100 000, au lieu des quelque 64 000 actuellement. À titre de comparaison, la législature ontarienne compte 107 députés pour une population d’un peu plus de 13 millions d’habitants, soit environ 125 000 citoyens par députés. Et, bien sûr, on pourra toujours faire une exception pour des territoires comme les Îles-de-la-Madelein et le Nord-du-Québec.

*L’ADQ avait cinq députés à l’Assemblée nationale avant le scrutin de 2003, résultat d’élections partielles.

Sur le même sujet :

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.