En fin de semaine, on m’a envoyé chercher deux poules à Mirabel. J’arrive donc à cette ferme familiale, débarque de mon véhicule et demande à parler au chef des poules. On me pointe un vieux monsieur à l’air bourru accoté sur un tracteur.
Me voyant approcher avec de l’enthousiasme dans le mollet, il m’aborde:
– C’est vous qui venez pour les poules?
– En effet.
– OK, m’as vous les mettre dans un sac.
– Dans un s…?!
Le fermier disparaît quelques instants, puis revient avec un grand sac d’oignons dans une main et deux poules dans l’autre. Il met ces dernières dans le premier et attache le sac avec une corde. Puis il me tend le sac – qui caquette – en me disant : «C’est 30 piasses.» Je quitte donc la ferme avec des poules dans le coffre, au grand plaisir de Johnny Trempe (4 ans) qui tente de communiquer avec elles à grand renfort de COT-COOOOOT.
Une heure plus tard, nous décidons d’arrêter devant un petit resto pour manger une bouchée. On stationne la voiture et on se dirige vers le resto. Puis on stoppe net en réalisant qu’on ne peut pas laisser les poules dans la valise avec le char en plein soleil… J’attrape le sac de poules et on reprend notre marche. On stoppe net en réalisant qu’on ne peut comme pas vraiment apporter des poules dans un resto sans contrevenir à genre 62 articles de la loi sur l’inspection des aliments… On décide donc de laisser le sac d’oignons à plumes sur le bord de la terrasse, près d’un arbre, à l’extérieur du restaurant.
Puis arrive ce petit garçon. Huit ou neuf ans, il mange une slush à saveur de bleu. Il voit le sac et, j’te jure, son premier réflexe, c’est de kicker dedans de toutes ses forces. Je me lève d’un bond et je dis «Heille, attention p’tit gars, il y a des poules là-dedans.» Soudain, les choses s’accélèrent: m’entendant dire ça, le garçon saisit le sac et détale full-pine sur le trottoir. Je pars à la course derrière lui. En quelques enjambées, il constate que je vais le rattraper et il lance le sac dans un terrain vague situé près de la terrasse. À l’atterrissage, le sac s’ouvre et l’une des poules s’échappe. Je pars donc à la course après la poule sous les yeux ébahis de tous les clients qui ne savaient pas qu’il s’agissait d’un dîner-spectacle.
T’as déjà vu un barbu grassouillet courir après une poule qui ne veut pas se laisser attraper? Ben je te le conseille fortement si tu veux un remède contre l’angoisse de vivre.
Bref, je rattrape l’évadée, je la remets dans son sac, je rattache ledit sac et je reviens au resto pour payer. Johnny, les poules et moi, on retourne dans l’auto, on s’assoit et on part d’un grand éclat de rire commun (pas les poules parce qu’elles n’ont aucun humour).
Puis Johnny me dit :
— Papa, j’pense que j’ai tellement ri que j’ai fait un peu pipi dans mes culottes…
— C’est pas grave, Johnny. Moi aussi. Moi aussi.