Mes hommages. J’habite Montréal depuis bientôt 14 ans. Et en 14 ans, jamais je n’y ai conduit de voiture. Bon; le fait que je ne sois pas l’heureuse détentrice d’un permis nourrit nul doute la démarche, mais l’ivresse d’aller quérir «mes licences» ne m’a jamais réveillée la nuit. Sans enfants à aller mener à leur cours de zumba-Cayouche ni run de lait quotidienne, posséder un véhicule m’est toujours apparu une lourde, si lourde responsabilité.
Les émissions toxiques, les tickets, la pollution visuelle, sonore, olfactive, les galipers qui lâchent et la délicate contribution au petit début d’érection de magnats du pétrole chaque fois que je tinque m’ont toujours gardée du désir de posséder une Impala. À ceux qui taquineraient ma rigidité, sachez que je ne fabrique pas mon propre savon à lessive ni ne couds mes ponchos dans de la toile provenant du jardin de Laure Waridel (je salue toutefois ceux qui le font). Il m’arrive même de sacrer ma pinte de lait vide aux poubelles plutôt que dans le bac vert. Du mieux que je peux, j’essaie de faire ma part sans mitrailler mon prochain de petits yeux plissés remplis de jugement. Parce que bien des loirs n’ont d’autre choix que de posséder un véhicule, pour des raisons de travail, de marmaille, de logistique ou de système de transport en commun déficient dans leur région. Je saisis tout ça.
Le souci, c’est quand le véhicule devient autre chose qu’un véhicule. Quand il devient trophée, verge pointée vers le nord ou rivière de diamants dans le cou de celui ou celle qui s’en engraisse le statut. Qui se procure un VUS «parce que c’est ce dont la petite famille moyenne a résolument besoin». Une Audi, pour l’opéra. Un Jeep, pour le kick. C’est pourquoi j’ai vacillé lorsque j’ai lu que Car2Go, une entreprise d’autopartage plutôt chouette que vous avez sans doute remarquée à ses petites voitures Smart bleu et blanc, allait bientôt offrir des Mercedes-Benz à ses abonnés montréalais. Exit les petits chars qui consomment peu, ne prennent pas de place et émettent des vesses. ENFIN! Une voiture adaptée à mes besoin d’arriver au bal des sirènes dans le prestige de ma ferraille Angus.
Je ne conduis pas, certes. Mais je réussis, je réussis à concevoir que certains, dans certaines conditions, n’ont pas de plaisir à conduire ce si petit tiny bikini véhicule qu’est la Smart, par jour de grand vent sur l’autoroute ou de transport de lit king. Il est tout aussi naturel que Car2Go offre une option aux gens qui ont envie de se promener à, mettons, plus que deux épicuriens.
Mais lorsqu’on annonce que, d’ici 2018, la Mercedes-Benz supplantera la Smart en nombre dans la flotte nord-américaine de Car2Go, je saisis mieux l’intangible. C’est à ça que ça sert, un char. À indiquer à qui tu klaxonnes que tu les prends pas chez Moores, tes bermudas. Oh! t’es écolo. La planète, tu vas la sauver. Mais ça se fera pas sans service de valet, certain.
La bise.