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Entre deux joints

À l’approche de la légalisation du cannabis à des fins récréatives par le gouvernement canadien, une réflexion sur les enjeux de ce changement législatif s’impose. La crispation antidrogue, alimentée par des décennies de désinformation et de fausses promesses, est bien palpable. On n’a qu’à lire le Rapport du groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis pour constater l’insistance du législateur à parler de «minimisation des dangers de la consommation». On cherche constamment à rassurer.

Plus de 100 ans de prohibition ont laissé des traces dans la perception des gens par rapport aux psychotropes. En outre, un constat est clair : la «guerre à la drogue», cette doctrine lancée par l’administration Nixon aux États-Unis et en partie copiée par les autorités canadiennes, est un cuisant échec. Non seulement la consommation de drogues illégales n’a pas diminué, mais les surdoses ont explosé: selon le Center for Disease Control, en 2016,
aux États-Unis, près de 64 000 personnes sont décédées de surdoses.

La criminalisation de ces drogues a créé une économie illicite qui engendre violences, souffrances et une coûteuse judiciarisation des consommateurs. Le crime organisé, cherchant à s’enrichir toujours davantage, a vite compris la nécessité de pousser vers une augmentation de la concentration des substances. En effet, il est plus intéressant d’importer un kilo d’héroïne qu’un kilo d’opium et encore plus intéressant d’importer un kilo de fentanyl.

Cette criminalisation et ce tabou culturel autour des drogues ont eu un autre impact négatif: la recherche scientifique a presque complètement cessé depuis la fin des années 1960 sur à peu près toutes les substances. Ce n’est que tout récemment que des centres de recherche sérieux ont recommencé à s’intéresser à certaines des molécules actives, notamment à l’usage de la psilocybine (l’agent actif du champignon magique) dans le traitement de la dépression, des troubles obsessifs-compulsifs et des troubles alimentaires. Ces résultats extrêmement prometteurs laissent entrevoir des solutions thérapeutiques prochaines.

Peu importe les différents systèmes qui seront mis en place par les provinces, la légalisation du cannabis conduira assurément à une diminution des revenus du crime organisé. Quand bien même cette diminution serait seulement de 10%, ce serait un bien meilleur résultat que toutes les méthodes répressives mises en place depuis 50 ans. Cette légalisation nous permettra peut-être aussi de repenser notre rapport aux drogues, et à leurs dangers, mais aussi à leurs bienfaits et leurs vertus. Peut-être que ce sera aussi l’occasion de dépolitiser un débat qui devrait d’abord être une analyse scientifique et sociologique. Cette analyse objective permettrait notamment de constater qu’en raison de son caractère «addictif» et de la désinhibition qu’il provoque (entraînant violence, comportements à risque, etc.), l’alcool a déjà des coûts sociaux importants et devrait être au sommet de nos inquiétudes.

Les recherches sur les possibles dangers du cannabis (notamment chez les jeunes) doivent bien entendu continuer. Toutefois, à court terme, le plus grand danger, c’est d’être en présence d’une personne qui te raconte une longue histoire qui n’a juste pas de fin.

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