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Zone inondable: l’Ouest de l’Île s’insurge contre la nouvelle carte malgré les changements

Les inondations en Beauce ont forcé de nombreuses évacuations.

Les modifications apportées lundi à la Zone d’intervention spéciale (ZIS) causent la grogne dans certaines municipalités de l’Ouest de l’Île de Montréal. La nouvelle carte des secteurs inondables, qui englobe encore plusieurs propriétés de la région, est «irraisonnable», selon un maire interrogé.

Si plusieurs propriétés de la province ont été retirées lundi matin du moratoire sur la construction imposé à la mi-juin par le gouvernement du Québec, le maire de la Ville de Beaconsfield, Georges Bourelle, se dit «extrêmement déçu» des modifications apportées à la carte.

Un total de 198 maisons de la municipalité de l’Ouest de l’île se retrouvaient dans la première mouture de la ZIS. Après les ajustements officialisés par Québec lundi, ce chiffre est passé à 175, observe M. Bourelle.

Le 4 juillet, le maire a relayé une lettre à la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest. Il y rappelait que la ville n’avait pas été touchée par les inondations des printemps 2017 et 2019, comme plusieurs autres municipalités de ce secteur de l’île.

«Nous insistons fortement pour que vous retiriez sans délai la Ville de Beaconsfield de ce décret», avait-il écrit alors.

Plusieurs citoyens ont aussi envoyé des courriels au gouvernement pour demander d’exclure leur maison de la ZIS.

Une ville dans le noir
«À notre grande surprise, hier, on revoit la carte, puis on a encore 175 propriétés dans la zone d’inondation. On ne comprend pas vraiment pourquoi ils en ont enlevées quelques-unes et pas les autres», lance désormais le maire.

Il fait remarquer que les logements qui ont été retirés de la carte n’ont pas de différence notable avec ceux qui y sont restés.

«Quelles sont les motivations du gouvernement? On ne les comprend pas.» – Georges Bourelle, maire de Beaconsfield

«C’est certain que s’il y a encore des gens qui estiment qu’ils ne devraient pas faire partie de cette ZIS, il demeure encore possible d’envoyer des recommandations au ministère jusqu’au 19 août», a en contrepartie affirmé l’attachée de presse de la ministre Laforest, Bénédicte Trottier Lavoie.

Dorval dans le même bain
La Cité de Dorval abonde dans le même sens que Beaconsfield. Selon le maire Edgar Rouleau, la zone d’intervention était depuis le début le résultat d’un «travail incomplet».

«Il y avait 813 municipalités au Québec impliquée dans la ZIS. Ce ne sont pas des millions de personnes qui ont été inondées en 2017 et en 2019! Il y a un manque de professionnalisme», a analysé le maire.

Il répète que la ville n’a pas non plus été touchée lors des deux derniers printemps d’inondations.

«L’impact est financier. […] Les compagnies d’assurances ne sont pas là pour perdre de l’argent. Elles vont en profiter. Chez nous, un couple a eu 600$ d’augmentation parce qu’il était coté dans une zone inondable», a ajouté le politicien.

D’autres villes avantagées
En bordure de Beaconsfield, la Ville de Pointe-Claire a reçu un message tout autre du gouvernement lors de la modification de son décret.

«On avait 265 maisons dans la zone au commencement. Avec les mesures d’aujourd’hui, il n’en reste que 15», avait observé le maire de la municipalité, John Belvedere, en entrevue avec Métro lundi.

Cette décision prend le maire de Beaconsfield de court.

«Beaconsfield a été complètement ignoré. Je ne sais pas si c’est parce que Mme Laforest ne m’aime pas… Et ce n’est pas parce qu’on n’a pas fait nos devoirs.» – Georges Bourelle

Pression sur les citoyens
M. Bourelle a reçu les témoignages de plusieurs de ses concitoyens de Beaconsfield, qui ressentent un «stress» constant depuis qu’ils ont été ajoutés à la première mouture de la ZIS.

«J’ai reçu un courriel d’un citoyen qui n’a jamais été inondé. Ce pauvre monsieur-là me dit: « je n’ai pas dormi de la nuit, hier »», a-t-il raconté.

D’après le professeur Yannick Hémond, spécialisé en gestion de risque au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), c’est un des problèmes les plus importants d’une mesure comme la ZIS.

«Ça crée de la détresse chez les gens. Ça les met dans de l’incertitude. Ils sont doubles sinistrés parce qu’il y a tout un côté administratif qui embarque», a-t-il fait remarquer.

«[La ZIS] va avoir un impact sur la valeur des propriétés. Ça va avoir un impact, probablement, sur le coût des assurances, pour ces gens-là. C’est injustifiable», a ajouté le maire Bourelle.

Beaconsfield se prépare à tenir un conseil spécial d’urgence pour réviser la situation et répéter l’avis de la Ville au gouvernement du Québec. Le maire invite les citoyens à se «protéger» financièrement et légalement.

Une solution à considérer, selon M. Hémond: offrir aux résidants des compensations et un délai de départ de cinq ans, par exemple.

«[Les inondations], ce sont des problèmes fiscaux pour les municipalités. Si demain matin on donne un chèque aux gens et qu’on leur donne le temps de prendre leur décision, on sait qu’il y en a qui vont prendre le chèque.» – Yannick Hémond, professeur au Département de géographie de l’UQAM

Une mise en place bâclée?
Selon Bénédicte Trottier Lavoie, la ZIS s’inscrit dans une volonté de protection des berges.

«Ce que le gouvernement dit depuis le départ, c’est qu’il faut agir de manière responsable puis pour un aménagement du territoire durable», a-t-elle répondu.

La Fondation David Suzuki soutient que ces intentions sont «louables».

«On est toujours pour la protection des milieux naturels dont les berges font partie», a convenu Mélanie Le Berre, une analyste des politiques climatiques au sein de l’organisme environnemental.

Cependant, c’est la méthode utilisée pour mettre en place cette nouvelle carte qui laisse à désirer, croit Mme Le Berre.

«Pour ne pas reconstruire en zone inondable, il faut faire une analyse approfondie. Ce sont des réglementations qui pourraient avoir des lots de conséquences sur les citoyens», a soutenu l’experte.

Elle invite le ministère à «mieux communiquer» la méthodologie derrière l’établissement de la ZIS.

Les difficultés de cartes comme celle de la ZIS proviennent du fait«qu’elles sont faites dans l’urgence», selon le professeur Yannick Hémond.

«Ces cartes-là devraient être faites quand il n’y a pas d’inondation, quand on est en période de planification, a analysé l’expert en adaptation aux changements climatiques. C’est là qu’on a tout le loisir d’établir des critères avec lesquels tout le monde va être d’accord.»

Contacté par Métro, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation n’a pas pu fournir les critères derrière lesquels se sont basées les modifications de lundi.

Malgré nos demandes, aucun document sur le nombre exact de propriétés touchées n’a été transféré par le ministère.

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