Le confinement aura été difficile pour la plupart des adolescents LGBT en confinement. C’est ce que confirment des organismes de soutien aux personnes en quête de leur identité sexuelle et des sexologues.
Premiers à observer concrètement le phénomène, Interligne, anciennement Gai écoute, une ligne téléphonique dédiée aux jeunes LGBT. Les chiffres ont explosé depuis le confinement. «On a eu une hausse de 30 à 40% du nombre d’appels quotidien», indique le directeur, Pascal Vaillancourt.
Cela a représenté 3500 appels, que ce soit en mars ou en avril. «On recevait en moyenne 2000 à 2500 appels par mois avant la crise sanitaire», souligne-t-il.
Les jeunes peuvent, à n’importe quelle heure, parler ou clavarder avec un intervenant formé à l’écoute active. Au bout du fil, les ados qui n’ont personne à qui parler peuvent ventiler, mais c’était plus que cela.
«On a senti la lourdeur sur la ligne très rapidement. Il y avait des idéations suicidaires, de la détresse, des crises d’anxiété», énumère M. Vaillancourt.
Chaque fois, durant 25 à 30 minutes, les intervenants devaient gérer des émotions fortes. «Nous avons eu de la chance parce que toute l’équipe d’Interligne avait eu, juste avant le confinement, une formation pour traiter les appels suicidaires», note-t-il.
Outre les aspects émotifs, des jeunes en transition ont eu des difficultés à se procurer les bloqueurs d’hormone ou des hormones. «Cela a créé de la dysphorie de genre [un désir fort d’identification à l’autre sexe associé à des troubles psychiques -NDLR] chez ces gens», constate M. Vaillancourt.
Isolement
Pour les adolescents LGBT, le fait de s’isoler de son milieu, ses amis et camarades a eu des conséquences graves, croit la présidente de l’Ordre professionnel des sexologues du Québec, Joanie Heppell. «Ils se sont retrouvés coupés de leur environnement social qui les acceptait, alors que la famille est moins encline à parler de ces questions, dit-elle. Ça peut amener de la souffrance.»
Cela concerne des jeunes qui ont fait leur coming-out et qui ne sont pas acceptés par leurs familles ou alors d’autres qui n’ont révélé leur orientation qu’à leurs amis. «Quand on vit dans un milieu qui est problématique, au lieu d’y être juste 12 heures par jour, on y est 24 heures durant, le problème est forcément accru», relève une autre sexologue, Laurence Desjardins.
Pour le directeur d’Interligne, l’ambiance générale générée par le confinement et les restrictions sanitaires a eu aussi un effet sur les jeunes. «Les personnes LGBTQ sont plus sujettes à l’anxiété et aux crises de panique. Des études à ce sujet existent depuis longtemps, souligne-t-il. Ils vivent des stress chroniques liés au coming-out et à l’acceptation de leur genre par la société.»
Pour répondre à la demande, son organisme s’est débrouillé aussi pour augmenter son offre de service, même en télétravail. Il a organisé des groupes de discussion virtuels pour permettre aux jeunes d’échanger entre eux.
Dans la rue
Des jeunes qui auraient quitté le milieu familial devenu insupportable se seraient réfugiés à l’organisme Dans la rue. «On a une réputation et une reconnaissance comme lieu d’accueil des jeunes trans en situation d’itinérance», indique la directrice, Cécile Arbaud.
L’organisme offre de l’hébergement d’urgence aux jeunes entre 12 et 25 ans, mais a dû réduire le nombre de places. «On avait 17 places on est tombé à 9», souligne Mme Arbaud. Dans la rue avait aussi une chambre dédiée aux jeunes trans.
Le centre de jour qui pouvait recevoir une centaine de personnes par jour reçoit maintenant entre 30 et 70 pour des services de première nécessité, essentiellement des repas.