L’Organisation mondiale de la santé (OMS) se garde bien de recommander l’achat ou l’utilisation du vaccin russe contre le nouveau coronavirus. Ce vaccin divise les experts quant à la confiance que l’on devrait lui accorder.
Il y a deux semaines, la Russie a annoncé avoir développé le «premier» vaccin contre le coronavirus. Les doses seront mises en marché en janvier prochain.
Questionnée par un journaliste des Balkans lors d’un point de presse lundi – certains pays de la région songent se procurer des doses –, l’OMS n’a pas souhaité se prononcer sur la fiabilité de ce vaccin russe.
«L’OMS recommande l’utilisation de vaccins spécifiques par le biais de son processus de préqualification d’urgence. Tout vaccin devra passer par ce processus avant que nous le recommandions en tant qu’organisation», a répondu le Dr Bruce Aylward, conseiller sénior au directeur général de l’OMS.
Une annonce qui divise
L’annonce russe divise les experts contactés par Métro. Benoit Barbeau, épidémiologiste et professeur au Département des sciences biologiques de l’UQÀM, estime que sa commercialisation est prématurée.
«Je crois qu’en ce moment, la sécurité et l’efficacité de ce vaccin n’ont pas été correctement évaluées et que les résultats en phase clinique 3 seront décisifs. L’annonce de ce vaccin comme étant prêt à être utilisé pour la population générale a été clairement prématurée», dit-il.
Nimâ Machouf, également épidémiologiste et chargée d’enseignement à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, ne partage pas son scepticisme.
«Pourquoi devrait-on mettre en doute le vaccin russe dès maintenant? Il est comme les autres vaccins, nous n’avons aucune idée de ce que chacun des vaccins qui ont entamé la 3ème phase de la recherche clinique vont accomplir», dit-elle.
«Ce qui m’intrigue par contre, c’est ce doute facile que l’on jette sur ce vaccin en particulier. […] Chose certaine, celui qui arrivera à sortir le 1er vaccin, sera le gagnant mondial autant sur le plan de la notoriété en matière de santé, que sur le plan économique. Donc d’énormes intérêts économiques sont en jeux, ce ne sera pas la première fois que nous serons témoins de « guerre-pharma »», poursuit la chercheuse.
Distribution équitable par l’OMS
Autant Mme Machouf que M. Barbeau se sont montrés optimistes face à l’initiative COVAX de l’OMS, qui vise à assurer une distribution équitable des différents vaccins actuellement en développement, une fois qu’ils seront disponibles.
L’OMS a annoncé lundi que neuf vaccins potentiels font partie de l’initiative, mais pas le vaccin russe. Un total de 80 pays développés (c’est-à-dire des pays qui pourront payer eux-mêmes l’accès aux doses) ont signifié leur intérêt pour le projet COVAX, en plus de 92 pays qui pourraient se qualifier pour une aide financière.
«Il est fort probable que sous les directives de l’OMS, les vaccins seront ainsi distribués le plus équitablement possible, mais rien ne prévoit que certains pays ne tenteront pas de s’accaparer rapidement les premières doses disponibles au détriment des autres», écrit M. Barbeau.
«Quand on aura un vaccin, aucune compagnie pharmaceutique ne pourra à elle seule en produire assez pour combler le besoin mondial. […] Dans la lutte contre un fléau de cet ampleur, la solution passe par la solidarité internationale», complète Nimâ Machouf.
Selon une compilation effectuée par Radio-Canada, plus d’une centaine de vaccins potentiels sont actuellement à l’étude. Six d’entre eux (en plus du vaccin russe) sont à l’étape 3 d’essais cliniques, c’est-à-dire qu’ils sont administrés à des milliers de personne susceptibles d’attraper la maladie. Il s’agit de l’étape finale avant l’approbation par les autorités de santé nationales.