Dès lundi, les Québécois pourront devancer la date prévue de leur seconde dose de vaccin, en commençant par les personnes de 80 ans et plus. Mais ceux qui ont reçu une première dose du vaccin d’AstraZeneca, qui a la réputation d’avoir des effets secondaires plus importants, devraient-ils opter pour ceux de Pfizer ou Moderna en deuxième dose? Le chercheur Alexander Wong de l’Université de la Saskatchewan s’est penché sur le sujet.
Au Canada, les gens qui ont reçu en première dose le vaccin d’AstraZeneca ont un choix à faire: ils peuvent opter pour l’un des vaccins à ARNm (Pfizer ou Moderna), ou prendre une autre dose d’AstraZeneca pour leur deuxième injection.
La saga du vaccin d’AstraZeneca a été compliquée. Des essais cliniques et des données réelles du Royaume-Uni ont démontré sa grande efficacité contre les maladies graves et les hospitalisations dues à la Covid-19. Mais des études en provenance de l’Union européenne ont confirmé l’existence d’un lien entre le vaccin AstraZeneca et des caillots sanguins rares mais potentiellement mortels, appelés «thrombocytopénie immunitaire prothrombotique induite par le vaccin» ou TTIV.
Au Québec, une femme de 54 ans en est décédée, et trois autres personnes au pays.
Après quelques tergiversations, le 1er juin, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a publié des directives supplémentaires. Les personnes qui ont reçu une première dose d’AstraZeneca peuvent recevoir soit une deuxième dose du même vaccin, soit d’un vaccin à ARNm. Les provinces, dont le Québec, ont rapidement modifié leurs directives pour permettre ce choix.
La question est donc la suivante: que dois-je choisir pour ma deuxième dose si j’ai reçu une première dose d’AstraZeneca?
Commençons par les preuves dont nous disposons jusqu’à présent concernant les vaccins mixtes, en particulier AstraZeneca et Pfizer/BioNtech (Pfizer). Le 12 mai, les premières données sur la réactogénicité (la capacité à produire des effets secondaires courants) de l’étude COM-CoV au Royaume-Uni ont été publiées. L’étude portait sur 830 personnes âgées de 50 ans et plus, réparties au hasard dans quatre groupes, et qui ont reçu différentes combinaisons de vaccins AstraZeneca et Pfizer à des intervalles de quatre semaines.
Les participants qui ont reçu des vaccins différents pour leur première et leur deuxième dose, quelle que soit la séquence de vaccination, ont présenté davantage d’effets secondaires (sans gravité et disparaissant d’eux-mêmes) que ceux qui ont reçu le même vaccin deux fois. Aucun problème de santé n’a été relevé.
Les experts ont émis l’hypothèse qu’un grand nombre d’effets secondaires pouvait laisser présager une réponse immunitaire plus forte, mais les données sur l’immunogénicité (la capacité du vaccin à provoquer une réponse immunitaire) sont toujours en attente et devraient être publiées dans le courant du mois.
Les résultats de l’étude espagnole CombiVacS ont été communiqués le 18 mai. Dans le cadre de cette étude, 663 personnes ayant reçu la première dose d’AstraZeneca ont été choisies pour recevoir une deuxième dose de rappel de Pfizer huit semaines plus tard, ou pour faire partie d’un groupe témoin sans deuxième dose.
Les personnes qui ont reçu AstraZeneca suivi de Pfizer ont développé deux fois plus d’anticorps que ceux observés chez les personnes ayant reçu deux doses d’AstraZeneca. Aucun problème de santé n’a été identifié.
Une étude récente réalisée en Allemagne et publiée le 1er juin sous la forme d’un document préliminaire sans comité de lecture (non-peer reviewed pre-print) apporte des informations supplémentaires sur le mélange et l’association des vaccins AstraZeneca et Pfizer. Ces données préliminaires portent sur 26 personnes, âgées de 25 à 46 ans, qui ont reçu une première dose de vaccin AstraZeneca, suivie d’une seconde dose de Pfizer huit semaines plus tard.
L’activité neutralisante était 3,9 fois plus importante contre le variant Alpha (B.1.1.7) et similaire contre le variant Delta (B.1.617.2) par rapport à l’activité neutralisante observée chez les personnes ayant reçu deux doses du vaccin Pfizer. Aucun problème de santé n’a été noté.
Enfin, une petite étude canadienne à l’Université Dalhousie a été réalisée auprès de deux volontaires âgés de 66 ans, à qui on a administré une première dose de vaccin AstraZeneca suivie d’une seconde dose de vaccin Pfizer, 33 jours plus tard. Les réponses immunitaires ont été rapportées comme étant fortes, sans aucun problème de santé.
Risque de TTIV avec une deuxième dose d’AstraZeneca
Le risque de TTIV avec une seconde dose d’AstraZeneca pour les personnes ayant reçu une première dose de ce vaccin est très faible. Les meilleures données actuellement disponibles sont celles de surveillance du Royaume-Uni. Au 27 mai, 17 cas de TTIV avaient été signalés après l’administration de 10,7 millions de secondes doses du vaccin AstraZeneca, soit un risque d’environ 1 sur 600 000.
Donc, quel est le meilleur choix ?
La disponibilité actuelle et prévue des deux vaccins à ARNm au Canada est excellente, avec des approvisionnements constants prévus durant les mois de juin et de juillet. Cela signifie que, dans la plupart des cas, il ne sera pas nécessaire d’attendre l’option que l’on préfère.
J’ai eu la chance de recevoir deux doses du vaccin contre la Covid-19 au début de 2021, je n’ai donc pas à prendre de décision pour moi-même. Cependant, de nombreuses personnes m’ont demandé des conseils à ce sujet au nom de leurs proches, de leurs amis et d’eux-mêmes.
Bien que les données ne soient pas définitives, les preuves s’accumulent en faveur d’une approche de mélange et d’association avec AstraZeneca suivi de Pfizer, qui est au moins aussi bonne (sinon meilleure) que l’administration de deux doses du même vaccin. Il n’y a pas de risque inhérent au mélange de vaccins, et aucun problème de santé n’a été constaté jusqu’à présent.
De plus, en prenant un vaccin à ARNm, on évite complètement le risque de TTIV. Même si ce risque est très faible, la TTIV est grave et potentiellement mortelle.
Pour ces raisons, je pense que s’il est accessible, une deuxième dose de vaccin à ARNm (Pfizer ou Moderna) est préférable pour la plupart des gens qui ont reçu une première dose d’AstraZeneca.
Le cas d’AstraZeneca
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles une personne pourrait choisir AstraZeneca plutôt qu’un vaccin à ARNm pour sa deuxième dose. Il n’existe pas de données sur l’efficacité clinique du mélange de vaccins. Pour cette raison, certaines personnes peuvent préférer une approche «éprouvée» consistant à recevoir deux doses d’AstraZeneca. D’autres, qui n’ont pas ressenti d’effets indésirables avec leur première dose d’AstraZeneca, peuvent opter pour une deuxième dose du même vaccin afin d’éviter les effets secondaires.
L’étude COM-CoV menée au Royaume-Uni présentera des données sur l’immunogénicité (réponse des anticorps) dans le courant du mois. Ces données peuvent ou non être favorables à une approche de mélange. Certains préféreront peut-être attendre ces données avant de prendre une décision. D’autres se contenteront de prendre le vaccin qui leur est proposé en premier.
Quelle que soit la décision que l’on prenne, l’essentiel est que chacun reçoive une deuxième dose dès qu’il est éligible, qu’il s’agisse du vaccin AstraZeneca ou d’un vaccin à ARNm. Les données disponibles permettent d’affirmer que les deux options sont sûres et efficaces, il n’y a donc pas de «mauvais» choix. Une vaccination complète offre une protection optimale contre les souches actuelles et émergentes, y compris le variant Delta.
Au Canada, nous avons la chance de pouvoir choisir entre deux excellentes options pour nos deuxièmes doses. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que les stocks de vaccins non utilisés ne soient pas gaspillés, et nous devons faire beaucoup plus pour soutenir l’équité mondiale en matière de vaccins afin de contribuer à mettre fin à la pandémie de Covid-19 dans le monde.
Je vous en prie, allez vous faire vacciner pour vous-même et pour votre communauté!
Cet article est le fruit d’une collaboration avec La Conversation.