Des infirmières formées à l’étranger sont incapables de répondre à l’appel de François Legault, qui cherche à pallier la pénurie. Elles se trouvent coincées sur la liste d’attente de cégeps, où elles espèrent obtenir leur équivalence.
L’appel à tous du premier ministre, qui cherche à combler 4300 postes vacants dans le réseau de santé, dont la moitié se trouvent à Montréal, frustre Angelica*, une infirmière formée au Brésil. Préposée aux bénéficiaires à l’hôpital du Saint-Sacrement, dans la région de Québec, elle souhaite obtenir ses équivalences depuis 2016.
Ce sont les frais d’inscription, s’élevant à plus de 8000 $ par session au cégep Limoilou, qui l’ont poussée à mettre son plan sur la glace. «Jamais je n’aurais pu me payer cela, se désole Angelica, qui mise sur quatre ans d’expérience comme infirmière dans son pays. Alors j’ai décidé d’attendre d’avoir ma résidence permanente, que j’ai obtenue le mois passé.»
Maintenant résidente permanente, elle souhaiterait commencer le programme d’Intégration à la profession infirmière au Québec, passage obligé pour exercer la profession. Elle s’est toutefois butée à une liste d’attente, qui la mènerait à commencer le programme en janvier. Si tout se passe comme prévu, Angelica pourra exercer sa profession à la fin de l’année 2022.
«C’est le manque accru d’infirmières qui a attiré mon attention et qui m’a amenée à venir au Québec. La qualité de vie que je suis venue chercher ici, je ne l’ai jamais trouvée», se désole-t-elle.
Elle jongle avec la possibilité de déménager ailleurs au Canada, considérant sa situation, et que les conditions de travail au Québec lui semblent difficiles, notamment en raison du temps supplémentaire exigé. «Je veux me trouver dans une place où la situation de travail est humaine. Je suis sortie de mon pays pour avoir un travail normal, pas pour travailler 18 heures consécutives», partage Angelica.
Dans l’attente
Une infirmière brésilienne dans une situation similaire, Célia*, s’est inscrite sur la liste d’attente du cégep Limoilou en mars. Elle aussi envisage de laisser tomber l’idée d’obtenir ses équivalences. C’est en 2016 qu’elle est arrivée au Québec, après avoir exercé le métier d’infirmière dans son pays pendant 11 ans.
À son arrivée au Québec, elle a occupé un poste de préposée aux bénéficiaires pendant un an et demi. L’expérience l’a découragée d’obtenir ses équivalences pour devenir infirmière. «J’ai été vraiment surprise par la charge de travail, avoue-t-elle. Ça m’a fait changer d’idée.»
Terminant sa maîtrise en épidémiologie à l’Université Laval, elle désire à nouveau devenir infirmière, pour travailler dans le domaine des maladies infectieuses. Célia déplore qu’au Québec, il est presque impossible pour les infirmières de choisir leur spécialisation.
«J’ai peur que l’on m’oblige à travailler en CHSLD. C’est quelque chose que je ne serais pas à l’aise de faire», avoue-t-elle.
M. Legault dit qu’on ne peut pas former des infirmières en six mois. Eh bien, vous en avez déjà des infirmières qui attendent juste de passer au cégep.
Célia, infirmière formée au Brésil
Creux à prévoir
Le gouvernement Legault entend mettre un plan en place pour colmater les brèches dans le réseau de santé. Des efforts seront déployés à court terme, par exemple en offrant des primes aux infirmières qui effectueront un retour au travail. Leur rétention pourrait être assurée par une hausse de salaire.
«Ce que je veux, c’est de leur offrir, pour une certaine période, une rémunération compétitive, même peut-être supérieure à ce qui est dans le privé, parce qu’il faut récupérer toutes les infirmières qu’on est capable de récupérer dans le réseau public, incluant celles qui travaillent dans le privé actuellement», a détaillé le premier ministre en mêlée de presse, jeudi.
Ces efforts pourraient coûter plusieurs «centaines de millions» de dollars, a dévoilé le ministre des Finances Éric Girard. «On a définitivement les moyens de faire ça. Depuis le début de la pandémie, lorsque la Santé a besoin de ressources pour combattre la pandémie, on a toujours été là, les sommes sont disponibles», explique-t-il.
Dès le 15 octobre, tous les travailleurs de la santé devront être vaccinés. Les récalcitrants seront suspendus, a rappelé le ministre de la Santé Christian Dubé. «Je m’engage que les gens n’auront pas de bris de service, mais on va se réorganiser, parce que la vaccination obligatoire pour la santé, je ne bougerai pas là-dessus», a-t-il tranché.
Les dirigeants des CIUSSS ont été invités à mettre en place un plan pour remplacer les travailleurs non vaccinés. Seulement à Montréal, on en retrouve plus de 8000.
*Des noms fictifs ont été utilisés pour les infirmières, qui ont demandé la protection de leur identité par peur de représailles.