La 22e édition de La guignolée des médias était lancée aujourd’hui dans l’entrepôt de Moisson Montréal, battant à plein régime pour fournir en denrées alimentaires les différents organismes qui peinent à remplir leur mission d’aide aux plus démunis en raison de l’inflation.
«On ne partagera pas de chiffres ni de statistiques sur la pauvreté cette année, car tout a été dit cet automne. Nous sommes tous conscients que l’inflation sous toutes ses formes affecte une plus grande partie de la population, mais on s’adresse quand même à eux pour nous aider tout au long de cette collecte», déclare Denise Deveau de l’agence de communication 180deux.
L’impact de l’inflation sur le portefeuille des donateurs a été l’enjeu le plus abordé par les cinq porte-parole présents durant l’événement, tels que Marie-Claude Barrette, Valérie Roberts, Lindsay Brun et Michel Bherer, qui ont invité le public à être davantage généreux pour compenser pour ceux qui en donneront moins lors de cette édition.
Marina Orsini, également porte-parole, s’est dite émue de voir autant de paniers de Noël et de bénévoles à l’œuvre et appelait les gens à être généreux malgré l’inflation. «Il y a beaucoup de gens qui avaient l’habitude de donner 10 ou 20 $. L’idée n’est pas de ne plus donner, mais de donner moins. C’est vraiment les sous et les dollars de chacun qui vont faire une grande différence», a-t-elle affirmé.
La guignolée, un pansement et non une solution
Quelques experts en pauvreté étaient d’ailleurs présents au lancement de la guignolée pour expliquer aux médias les solutions qui existent pour s’attaquer plus efficacement à cet enjeu.
Il était important pour Janie Houle, titulaire de la Chaire de recherche sur la réduction des inégalités sociales de santé de l’UQAM, de saisir cette tribune pour parler de pauvreté et des manières de la réduire durablement pour en finir éventuellement avec les guignolées.
La pauvreté, c’est tout au long de l’année et chaque année, on se retrouve dans la même situation, et qui s’aggrave avec la crise du logement. La guignolée demeure un pansement sur un gros bobo qui s’infecte continuellement. Ça nous prend un filet de protection sociale beaucoup plus solide pour ne laisser personne derrière.
Janie Houle, titulaire de la Chaire de recherche sur la réduction des inégalités sociales de santé de l’UQAM
La psychologue communautaire précise que 3,9 milliards de dollars seraient suffisants pour permettre à tous de satisfaire leurs besoins de base. Elle déplore l’initiative du gouvernement caquiste d’envoyer des chèques de 400 et 600 $ à la population, mesure jugée inefficace alors que les plus démunis sont les plus affectés par l’inflation.
«Il faudrait accorder à tout le monde un revenu de base, en haussant le salaire minimum et en bonifiant les prestations d’aide sociale pour permettre aux gens en situation de pauvreté d’avoir des projets de vie.»
Des solutions par et pour les personnes en situation de pauvreté
Janie Houle était d’ailleurs accompagnée d’«experts de vécus», c’est-à-dire des personnes qui vivent en situation de pauvreté impliquées dans la chaire. Celles-ci proposent des solutions concrètes en fonction de leurs propres expériences.
«C’est sûr que réduire l’aide gouvernementale à une couche sociale plus réduite et à faible revenu permettrait de partager la tarte entre ceux qui en ont le plus besoin, mais il faut que ce soit accompagné de restrictions du marché, affirme Alain-Antoine Courchesne. Plus d’aliments doivent être réglementés afin que les prix demeurent fixes, comme dans le cas du lait ou du pain.»
Pour Pierre Cardinal, membre du comité de gouvernance de la chaire pilotée par Janie Houle et lui-même prestataire d’aide financière en raison d’une contrainte sévère à l’emploi, l’aide alimentaire n’est pas une mesure structurante pour s’attaquer à la pauvreté, contrairement au logement social.
«Il faut déployer plus de logements sociaux et abordables. Ça fait deux ans que je bénéficie d’un logement subventionné dans une coopérative d’habitation et ça me permet d’équilibrer mon budget et de ne plus avoir recours aux banques alimentaires. Des investissements importants en logement feraient en sorte qu’on n’ait plus besoin de guignolées, ce qui serait idéal.»