Une vigile aux chandelles s’est tenue au parc de l’Espoir, situé dans le village gai de Montréal, pour rendre hommage aux cinq victimes de la fusillade survenue au Club Q à Colorado Springs, aux États-Unis.
Dans une ambiance pesante, entrecoupée par les pleurs, une cinquantaine de personnes de tous les âges ont parcouru les tables sur lesquelles étaient déposées les photos des disparus pour s’y recueillir.
L’organisatrice de ce rassemblement et activiste trans, Celeste Trianon, croit qu’en de pareils moments, il est important de « donner un espace pour les membres de la communauté trans et LGBTQ2+ pour se réunir, partager leurs pensées dans un milieu sain et sécuritaire, reconnaître et se rappeler des vies qui ont été perdues au Colorado. »
Dans la nuit du 19 au 20 novembre, alors que s’y déroulait des célébrations pour la Journée du souvenir transgenre, un homme de 22 ans a ouvert le feu dans la discothèque LGBTQ2+, tuant cinq personnes et en blessant dix-huit.
Pour commémorer leur mémoire, une courte biographie a été lue à voix haute pour présenter chaque victime et une minute de silence a été observée. Les gens réunis ont également pu partager leurs réflexions et émotions à micro ouvert.
« C’est difficile à comprendre, ça brise le cœur », confie Carben, venu.e rendre hommage aux victimes. « Dans nos communautés, on a tellement pas beaucoup – et de moins en moins – d’espaces réservés pour nous. Ce n’est pas juste réservé pour nous, mais safe».
Les dangers de la transphobie et de l’homophobie
Pour Celeste Trianon, ce drame survenu au Club Q n’est pas l’oeuvre d’une seule personne.
«Cette tuerie n’est pas la faute du tueur, que je ne vais pas nommer. C’est la faute d’un système bâti autour de la transphobie et de l’homophobie, d’un système d’extrême droite bâti au profit de nos vies» a-t-elle déclaré à la foule pour ensemble lui demander: savez-vous qui est responsable de ces meurtres? J.K. Rowling, Matt Walsh, Elon Musk avec son Twitter, Donald Trump, Focus Famille, PDF Québec. Ce sont des collectifs, des organismes, des personnes, des politiciens qui sont responsables de ces meurtres. Ils ne seront jamais tenus responsables parce qu’il n’y avait qu’un seul meurtrier selon le discours officiel, n’est-ce pas? C’est ça le danger. L’extrême droite peut se cacher et ne va jamais être tenue responsable de ses actions. »
L’activiste et récipiendaire du prix Bâtisseur.euse de Fierté Montréal croit donc que cette vigile est une opportunité pour sensibiliser les gens «qui ne comprendrait peut-être pas pourquoi s’est aussi important pour la communauté de se rassembler comme ça et à montrer à quel point la transphobie et l’homophobie peuvent être dangereuses».
Je veux être très claire que les tueries n’ont pas lieu de manière isolée. Elles ont lieu à cause de la transphobie, de l’homophobie qui a été propagée par des médias et des personnalités d’extrême droite durant des années. Chaque fois qu’on répète des discours comme ça, on peut penser que ce ne sont que des mots et que ça ne peut rien faire, mais au final, qu’est-ce qu’il arrive? Ce sont des meurtres.
Celeste Trianon, organisatrice de la vigile et activiste
Montréal est-elle à l’abri?
La tuerie survenue au Club Q aurait selon plusieurs pour toile de fond la résurgence d’actes de persécution contre la communauté trans observée aux États-Unis.
Cette triste tendance préoccupe Carben, qui ne se dit pas vraiment supris.e. Iel observe depuis quelques années l’intensification des discours haineux dans la sphère publique et constate le manque d’éducation contre l’homophobie et la transphobie. Selon iel, Montréal ne serait pas à l’abri de tels drames.
«On a eu Dawson College, on a eu la Polytechnique… ça arrive rarement et j’aime penser qu’on apprend de nos leçons et c’est pour ça que ça arrive moins souvent, mais pas de doute que c’est possible que ça puisse arriver.»
Celeste Trianon partage les mêmes préoccupations. Même si elle se dit «très chanceuse d’être à Montréal», cette métropole qu’elle qualifie de «généralement très inclusive», n’empêche qu’elle avoue être la cible de micro-agressions quotidiennes et qu’elle «sent parfois la transphobie, l’homophobie ou la misogynie dans la vie courante».
Elle s’empresse toutefois d’ajouter que de telles paroles se veulent lucides et non pas alarmantes. «Au final, je ne veux pas que le monde ait peur. Je veux qu’on se sente en sécurité, beau et belle, confortable d’être ici», assure l’organisatrice.