Le Collectif Solidarité Québec-Pérou continue à exhorter le gouvernement de Justin Trudeau à condamner la répression militaire de manifestants et la violation des droits humains commises par le gouvernement de Dina Boluarte au Pérou depuis son investiture au début décembre, à la suite de la destitution du président Pedro Castillo.
«Plusieurs pays ont dénoncé les attaques contre des civils et la violation des droits humains, mais le Canada n’a pas pris de position jusqu’à maintenant», déplore Lucia Flores Echaiz, porte-parole du Collectif en entrevue avec Métro.
«En ce moment, la pression internationale joue un rôle primordial pour mettre fin aux actes violents du gouvernement péruvien contre son peuple, notamment des membres de communautés autochtones», ajoute l’avocate et candidate à la maîtrise en droit à l’UQAM, originaire de Lima.
Depuis le 8 décembre, de nombreuses mobilisations citoyennes à travers le pays appellent à la démission de Boluarte, à la clôture du Congrès, à de nouvelles élections et à une Assemblée constituante plurinationale.
Répression et impunité
Les violations des droits humains documentées comprennent à ce jour une soixantaine d’exécutions et plus de 1200 personnes blessées, notamment parmi des manifestants à l’extérieur de la capitale du pays, dans des communautés autochtones.
Beaucoup de personnes au Pérou sont solidaires avec le mouvement, mais elles ont peur de participer aux mobilisations par crainte d’être tuées.
Lucia Flores Echaiz, porte-parole du Collectif Solidarité Québec-Pérou
«On ne peut pas tolérer d’avoir 60 morts et que la vie continue normalement», dit pour sa part Rafael Verastegui, ingénieur électrique et membre du Collectif à Métro.
«Ce qui arrive au Pérou me touche personnellement parce qu’il y a eu 18 morts dans une seule journée près de la ville où je suis né et ai grandi. Il y a même eu un étudiant en médecine qui était là pour venir en aide aux gens blessés lors des manifestations et il a été abattu par la police», déplore l’homme originaire de la ville de Puno, se disant inquiet pour sa famille et ses amis qui demeurent dans la région.
Oppression de la voix autochtone
M. Verastegui soutient que l’information transmise par les médias officiels péruviens ne reflète pas la réalité de la situation au pays. Il dénonce la sous-représentation et l’oppression de la voix des peuples autochtones des Andes.
Nous n’avons pas une vraie démocratie au Pérou actuellement. Plusieurs médias alternatifs essaient de montrer une version différente de celle que nous racontent les médias officiels, qui sont contrôlés par le gouvernement, mais autrement, le peuple n’a pas de voix. Pour avoir une vraie démocratie, tout le monde doit être représenté.
Rafael Verastegui, membre du Collectif Solidarité Québec-Pérou
Alonso Gamarra, doctorant en anthropologie à l’Université McGill et membre du Collectif, précise que la plupart de manifestations ont lieu à Lima, étant donné la répression et la violence envers les gens issus des différentes régions rurales du pays qui souhaitent revendiquer leurs droits.
«Ils quittent leur région pour éviter d’être exécutés impunément, parce qu’ils sont des proies plus faciles dans leur village que dans la capitale du pays», soutient M. Gamarra, originaire de la ville de Arequipa.
«Les peuples autochtones sont victimes de violence actuellement pour vouloir revendiquer leur droit à dire ce qui se passe sur leur territoire et demander un changement au système constitutionnel, qui bénéficie des investissements de corporations privées au détriment du bien-être du peuple», poursuit M. Gamarra.
Solidarité avec le peuple péruvien
Depuis sa création à la mi-janvier, avec l’objectif de «dénoncer les abus de pouvoir, les détentions arbitraires et l’usage disproportionné de la force pour disperser les foules», le Collectif a organisé deux manifestations et un événement à caractère culturel à Montréal en soutien au peuple péruvien.
Une lettre a également été adressée à Justin Trudeau et Mélanie Joly à la fin janvier, demandant au Canada «de rejeter toute violation des droits humains commise par le gouvernement Boluarte au Pérou et d’ajouter sa voix aux appels de la communauté internationale pour mettre fin à la répression violente des civils exerçant leur droit de manifester».
Près de 300 signataires se sont unis à cette pétition à ce jour. Le Collectif souhaite également lancer un appel aux députés provinciaux dans les prochaines semaines.
«Bien que le fédéral ait plus de pouvoir concernant les relations internationales, on aimerait aussi que le Québec puisse adopter une motion de solidarité avec le peuple péruvien pour condamner la violation des droits humains, tout comme ç’a été fait pour les femmes iraniennes», indique Mme Flores Echaiz.
Réflexion collective
Le Collectif organise une rencontre de discussion et de solidarité avec le peuple péruvien ce samedi, 25 février, dès 15h30, aux locaux de l’Association des travailleurs grecs du Québec, situés au 5359, avenue du Parc.
«Toutes les personnes qui sont préoccupées par la violation des droits humains sont invitées à participer à la discussion afin d’alimenter la réflexion commune sur le rôle et les actions futures du Collectif», dit Mme Flores Echaiz.
Musique, danse et bouffe suivront la période de discussion, qui se déroulera en espagnol, en français et en anglais, afin de promouvoir la participation de gens de tous les horizons. Le Collectif incite notamment les personnes issues des peuples autochtones du Québec à se joindre à l’événement.
«Il y a peut-être des ponts à établir entre les luttes des peuples d’ici et de là-bas. Nous souhaitons entamer une réflexion commune sur la situation au Pérou et les actions que nous pouvons poser à partir d’ici pour venir en aide au peuple péruvien», conclut la porte-parole du Collectif.
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.