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Fiscalité 101

Alors que d’importantes compressions sont annoncées dans les dépenses de l’État, le gouvernement du Québec se prépare à revoir aussi l’ensemble de ses revenus, avec sa Commission d’examen sur la fiscalité. La Commission sera à Montréal ce soir à l’occasion d’un forum public animé par l’Institut du Nouveau Monde (INM). «C’est une occasion exceptionnelle de venir s’exprimer sur ce sujet», juge le directeur général de l’INM, Michel Venne. Voici quelques pistes de réflexion.

Simon Tremblay-Pepin
Chercheur, Institut de recherche et d’informations socio-économiques
Youri Chassin
Économiste et directeur de la recherche, Institut économique de Montréal
S.T.-P.: «Le système au Québec est relativement équitable. Si on le compare à d’autres systèmes fiscaux, de fait, il a des caractéristiques qui le rendent plus équitable. Cependant, est-ce qu’il est équitable par rapport à ce qu’il pourrait être, ou par rapport à ce qu’il a déjà été? Vu sous cet angle, il a perdu des plumes.On a notamment diminué l’impôt des plus fortunés – sur ce plan-là, on pourrait agir davantage. On a aussi privé les entreprises d’une taxe sur le capital – là aussi, on pourrait aller chercher plus d’argent, juste en faisant ce qu’on faisait avant.» Y.C.: «Tant qu’à moi, non, parce que l’imposition est trop lourde. Quand on regarde les différentes assiettes fiscales – les impôts aux particuliers, les impôts aux entreprises, les taxes sur la masse salariale, les taxes de vente – dans chacune des catégories, le Québec est une des provinces qui taxent le plus. On a une fiscalité lourde pour tous les volets. Pour la corriger, il suffit de la diminuer.Si le but de la Commission est d’aller chercher plus d’argent dans les poches des gens ou auprès des entreprises, on va devoir dire qu’il n’y a plus de jus dans le citron, qu’on ne peut plus le presser.»
S.T.-P.: «Une taxe sur le capital pour les institutions financières serait une bonne idée. Les institutions financières ne s’enfuiront pas. Desjardins ne quittera pas le pays, la Banque Nationale et la Banque Royale non plus. Ces gens-là pourraient contribuer davantage, ils font des profits record.L’idée de baisser les crédits d’impôt aux entreprises est bonne. C’est vrai que le Québec est particulièrement généreux à ce chapitre. Mais il ne faudrait pas avoir la drôle d’idée d’aller compenser ce changement par une baisse de participation des entreprises à la fiscalité.» Y.C.: «Ce sont les entreprises qui favorisent la création d’emplois, la croissance économique, les investissements; ce n’est pas le gouvernement. La façon de modifier la fiscalité et d’encourager toutes les bonnes choses qu’on se souhaite, c’est d’avoir des taux d’impôt bas et neutres.Il ne faut pas donner des avantages à l’industrie numérique, à l’industrie du livre, à l’industrie minière ou aux alumineries. Il faut avoir une fiscalité compétitive par rapport aux autres, et basse. Il faut moins d’impôt et moins de crédits d’impôt.»

«Par rapport à nous-mêmes, à notre passé, nous sommes moins équitables.» – Simon Tremblay-Pepin

S.T.-P.: «On propose souvent de détaxer les gens, en disant que s’ils ont plus d’argent dans les mains, ils en mettront plus de côté. Eh bien dans les dernières années, on a détaxé les plus riches. Est-ce qu’ils ont épargné leur argent pour plus tard? Pas du tout. Ils ont juste augmenté leur consommation.Personne ne sauvera les retraites avec un système volontaire où l’employeur ne met pas une cenne. Il ne faut pas encourager l’épargne, il faut la forcer. C’est ce que fait un régime de pension.» Y.C.: «Les Québécois n’épargnent pas beaucoup parce qu’ils ne gagnent pas beaucoup. Quand on les compare aux citoyens d’autres provinces, leur revenu disponible est bas [notamment à cause de l’impôt].Par ailleurs, on ne peut pas augmenter l’impôt, même pour les très riches. Ceux qui font plus de 70 000$ par année, qui sont à peu près 10% de la population, paient déjà la moitié de tous les impôts sur le revenu. On ne peut pas les traire plus. Ils font déjà leur part.»

«Ce n’est plus dans la colonne des revenus qu’on va pouvoir trouver des solutions.» – Youri Chassin

S.T.-P.: «Je ne pense pas que les tarifs, c’est la meilleure façon d’imposer les particuliers. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas ici et là des tarifs qu’on pourrait augmenter. Mais la plupart des tarifs dans notre société ont un effet assez marginal sur les finances de l’État.Y a-t-il des tarifs qu’on devrait éliminer? Les droits de scolarité, en voilà un. La logique de l’utilisateur-payeur, pour la grande majorité des services publics, ce n’est pas la voie à suivre.» Y.C.: «La tarification, c’est une bonne piste, justement parce que c’est équitable. Celui qui utilise le service le paie. Par contre, c’est difficile d’augmenter la tarification si on ne baisse pas les impôts ailleurs. On a des impôts élevés en partie parce qu’on offre beaucoup de services très peu ou pas tarifés.Si on se met à tarifer des services davantage, le deal, c’est qu’on doit se mettre à payer moins d’impôts. C’est une piste de réflexion qui est intéressante.»

Forum sur la fiscalité
Jeudi soir, de 19h à 22h
Pavillon Sherbrooke de l’UQAM, 200, rue Sherbrooke Ouest

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