Ça s’est passé avant-hier soir, pendant ma dernière nuit dans les Antilles.
(Après ça, promis, je ne t’écoeure plus avec cet esti de voyage paradisiaque du saint-crime. Mais si tu te rends jusqu’au bout, tu vas comprendre pourquoi je ne pouvais pas vraiment taire cette histoire authentique.)
Il faisait chaud en ti-pépère. Je n’arrivais pas à dormir, contrairement aux deux ronfleurs, Johnny et sa mère, qui dansaient la valse avec ce sacripant de Morphée. La moustiquaire était collée sur mon bras, mais je la laissais faire. Je ne voulais pas bouger parce que bouger, c’est suer. Le ventilateur tournait lentement, créant probablement autant de chaleur qu’il poussait d’air frais.
«Ok, fuck it, me suis-je dit tout bas en me chuchotant à l’oreille dans ma tête.»
Je me suis levé et suis allé ouvrir la porte de la chambre pour laisser entrer de l’air. Un grand vent frais venu de la mer a pénétré dans la chambre et je me suis recouché, dans une atmosphère agréable, en me disant que j’aurais dû faire ça bien avant. Je me suis endormi du sommeil du juste, tel ce dude un brin irresponsable dont le moulin va trop vite.
Soudain, un bruit bizarre, un genre de glouglou, m’a réveillé en sursaut. Je me suis levé – nu comme dans tes rêves, – et je me suis rendu dans la salle de bain. J’ai ouvert le plafonnier et, t’sé, il y avait une chèvre qui buvait dans le bol.
Tu peux relire la dernière phrase, je t’attends ici.
C’est fait?
Fucké pareil, hein?
Imagine moi.
Briquette avait souèffe. Grand bien lui en fasse. J’ai moi-même soif à l’occasion. Est-ce que cette toilette était le seul endroit de l’environ où s’abreuver? Probablement pas, mais passons. Quand j’ai ouvert la lumière, Brouette a tourné sa tête vers moi (sans tourner le corps), m’a regardé droit dans les yeux et a dit ce que disent en général les individus de son espèce:
«Mèèèèè.»
«Mèèèèè toi-même! que je lui ai répondu, avec mon aplomb habituel.»
Boulette a replongé la tête dans le bol et a recommencé à laper l’eau comme s’il n’y avait pas de lendemain. J’ai fait un homo sapiens de moi-même et je lui ai intimé de sortir de ma toilette en claquant des mains. Y’a toujours ben des esti de limites aux caprinages. Balayette a eu peur et s’est ébrouée fortement en direction de la porte en répétant «Mèèèèè» au cas où je n’aurais pas bien compris la première fois.
En sortant de la toilette, elle était fourrée. Le sens de l’orientation ne semblait pas être sa force. Elle a foncé tout droit et, en passant près de la table à manger, elle a attrapé mes boxers, t’sé ma dernière paire propre que je gardais pour l’avion et que j’avais préparée avec tous mes autres vêtements pour le vol du lendemain?
«Heille, ma torrieuse!»
Jaquette n’a pas relevé l’insulte et a foncé vers la porte grande ouverte, suivi de moi-même, toujours extrêmement nu. S’en est suivie une scène de type «Louis de Funès Meets Benny Hill» autour de la maison, scène dans laquelle deux mammifères nus se couraient après, le plus poilu des deux (pas par beaucoup) mâchouillant toujours mes sous-vêtements avec la même intensité que Picasso, quand il regardait n’importe quoi de croche.
C’est vite en sale une chèvre, crois-moi. Et il faisait noir comme chez l’loup. À bout de souffle, je me suis arrêté devant Brochette qui mastiquait toujours mes boxers comme s’il c’était s’agit de boeuf fucking Kobe.
«Mèèèèè, qu’elle a lancé du coin de la bouche sans même lâcher mes boxers.»
Puis, soudain, toutes les lumières extérieures de la maison se sont allumées, genre six spots de sécurité de 400 watts dont un directement sur ma saisissante nudité, parce qu’une voiture venait de passer la grille d’entrée: une camionnette remplie d’une famille de six Français, deux parents et quatre ados de 9 à 18 ans, qui avaient loué un appartement au 2e étage de la maison et qui arrivaient tout juste de l’aéroport en faisant, à travers la vitre de leur voiture, ma connaissance pour la toute première fois; et en faisant aussi connaissance avec la chèvre Georgette (ou Gilles-Valiquette, rendu là c’est comme tu veux) qui venait de finir de brouter mes boxers et qui me regardait avec ce regard de pure concupiscence de celle qui en veut encore.