Le projet d’ozonation des eaux usées coûtera finalement environ 351M$, soit 141M$ de plus que prévu en 2005. Un fournisseur potentiel avait déjà prédit l’explosion des coûts et dénonce certains aspects de l’appel d’offres.
C’est ce qui ressort de la présentation faite mercredi, devant l’administration Coderre, par le responsable de l’usine de traitement des eaux usées, Richard Fontaine. Actuellement, la Ville retire les métaux lourds de ses eaux usées, mais pas les virus, les bactéries et les résidus pharmaceutiques qui polluent l’eau jusqu’à Sorel. Ce sera chose du passé avec l’ajout d’un procédé d’ozonation en 2018.
Selon les donnés présentées hier, la fabrication de l’unité d’ozonation coûtera 40M$ plus cher que les 160M$ budgétés en 2005. Cette hausse s’ajoute à la construction de trois bâtiments qui s’est ajoutée (+67M$), ainsi qu’à l’inflation sur 10 ans (+34M$).
Face à cette nouvelle hausse, le maire Denis Coderre a déclaré qu’«il ne faut pas comparer 2005 à aujourd’hui, car il y a plus de choses». Le maire fait notamment référence au fait que l’unité d’ozonation serait opérationnelle toute l’année et non plus 6 mois par an, l’été, pour favoriser la baignade. «La réalité, c’est qu’il faut protéger le fleuve toute l’année», a-t-il ajouté.
Cette augmentation des coûts avait déjà été prédite il y a deux ans par un fournisseur sélectionné qui avait refusé de soumissionner lors de l’appel d’offres. En février 2014, Ken Akikawa, président de MetaWater USA, avait écrit à la Ville de Montréal pour justifier son refus. Il pointait du doigt le processus d’appel d’offres, l’absence de réponses de la Ville aux questions de l’entreprise, ainsi que le manque de spécifications techniques «La présentation d’une offre légalement exécutoire par quelque soumissionnaire qualifié n’est pas possible», avait-il écrit.
M. Akikawa prédisait ensuite «des dépassements de coûts significatifs et un fardeau financier pour la Ville et les payeurs de taxes». À ces affirmations, la Ville nous avait répondu en avril 2015 que «la loi ne permet pas, notamment, d’engager des rencontres de négociations avec les soumissionnaires durant la période de soumissions». Un de ses porte-parole a précisé mercredi que l’évolution des coûts du projet n’est pas en lien avec des allégations déjà réfutées.
Toujours dans le cadre du contrat pour l’unité d’ozonation, l’offre du 3e fournisseur pré-sélectionné, Xylem avait été finalement jugée non conforme pour des raison techniques. Elle était pourtant inférieure de 10M$ à celle de Degrémont qui a été finalement choisi faute de concurrence.
Un expert qui suscite des questions
Pierre-André Liechti l’expert mondial Suisse, embauché par la Ville en 2010 pour l’aider dans tout le projet d’ozonation, a travaillé pendant 17 ans chez Degrémont-Ozonia, l’entreprise qui a finalement décroché le contrat de fourniture de l’unité d’ozonation.
Le nom de M. Liechti figure d,ailleurs parmi les auteurs d’un brevet qui sera utilisé dans la technologie déployée à Montréal. Il s’agit du brevet WO 2008029027 (Procédé et installation pour la mise en contact de l’ozone dans un flux de liquide).
«M. Liechti a participé à la rédaction de ce brevet en fournissant des informations techniques. Il est important de noter que ce brevet appartient à Degrémont et que M. Pierre-André Liechti ne touche aucune redevance quant à ce brevet. Quant aux calculs et aux avis techniques de M. Liechti, ils ont été validés par les professionnels de la Ville de Montréal», nous avait déclaré, en avril 2015, Philippe Sabourin.
M. Sabourin avait ajouté que «M. Liechti n’était plus à l’emploi de Degrémont depuis deux ans, quand il a reçu son contrat de la Ville [en 2010], qu’il ne détient aucune action dans l’entreprise, et que sa rente de retraite lui est versée par un fonds de retraite géré par une compagnie d’assurance. «Il a signé une clause de confidentialité et son profile a été validé par le Contrôleur général de la Ville».
«Le fait que M. Liechti n’était plus à l’emploi de Degrémont au moment de son contrat avec la Ville, enlève la question du conflit d’intérêts», confirme Danielle Pilette, professeure en études urbaine et en gouvernance à l’UQAM. «Néanmoins, la certitude qu’il n’y ait aucun arrangement entre une entreprise et son ex employé, c’est quelque chose de traditionnellement difficilement vérifiable et ça pourrait avoir un impact sur le prix payé par la Ville», conclut-elle.
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La lettre de MétaWater:
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