Le métro de Montréal fête ce vendredi son cinquantième anniversaire. Pour l’occasion, Métro explore différentes facettes du réseau souterrain dans lequel se déplacent les Montréalais depuis 1966. Aujourd’hui, retour sur l’histoire derrière sa naissance.
N’eut été l’insistance du président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Lucien Saulnier, auprès du maire Drapeau, il n’y aurait pas eu de métro à Montréal comme on le connaît aujourd’hui.
«J’ai toujours pensé qu’il devrait y avoir une station de métro Lucien-Saulnier», avoue l’auteur de deux livres sur le métro de Montréal, Benoit Clairoux, précisant du même souffle que les usagers du métro risqueraient de confondre la station portant le nom de Lucien L’Allier, qui lui a été le directeur des travaux publics à la Ville de Montréal pendant les travaux.
Lorsque Jean Drapeau est élu pour une deuxième fois maire de Montréal en 1960, le métro fait partie du débat public depuis près de 50 ans en raison de la circulation automobile qui ne cesse d’augmenter. La Montreal Tramways Company (MTC), une entreprise privée qui était en charge du transport en commun, y avait réfléchi sérieusement dans les années 1920, mais la crise économique et la mise en tutelle de la Ville de Montréal de 1940 à 1944 avaient retardé ses projets. Elle avait patienté jusqu’en 1944 avant de proposer la construction d’un métro au coût de 60M$.
L’idée avait été reprise en 1953 par la Commission de transport de Montréal, l’organisme public qui avait remplacé la MTC. Son projet visait à construire une ligne, longue de 12,5km, sous les rues Saint-Denis, Saint-Jacques et Sainte-Catherine, mais il n’avait pas été approuvé par le conseil municipal.
Lorsque M. Drapeau décide de poser de nouveau sa candidature à la mairie de Montréal, il accepte d’inclure dans son programme électoral la promesse de construire un réseau de métro. Il plie en fait devant l’entêtement de Lucien Saulnier.
«Il n’arrêtait pas de me dire que je vivais dans le passé, que l’ère des transports publics était révolue, a raconté M. Saulnier aux auteurs du livre intitulé Jean Drapeau, Brian McKenna et Susan Purcell. Ce qu’il fallait pour la ville, disait-il, c’était un réseau de voies rapides. Je lui ai dit que si le projet de métro n’était pas inclus dans notre programme, il pourrait se chercher un autre candidat dans mon quartier. Il a fini par céder.»
«M. Saulnier disait qu’avec le climat que nous avons à Montréal, c’était nécessaire d’avoir un métro. Et sur le plan de l’urbanisme, c’était un décision qui se défendait très bien parce qu’un métro, comme il y en a un à Montréal, on ne peut pas faire cela en banlieue. Montréal avait une densité de population suffisamment élevée.» – Guy R. Legault, ancien directeur de l’urbanisme à la Ville de Montréal.»
«M. Saulnier, c’était un gestionnaire, mentionne Benoit Clairoux. Il avait de bonnes idées. Il avait toujours les deux pieds par terre. Sauf que Drapeau, c’était le contraire. Les deux ensemble, c’était bien. C’était une équipe, c’était un tandem.»
Dès le lendemain des élections, Lucien Saulnier presse Jean Drapeau de demander à Québec des fonds pour la construction du métro. Dubitatif, le nouveau maire affirme que ces démarches ne sont pas urgentes. «M. Saulnier a répondu que c’était pressant et que si Québec ne voulait pas payer, [ils] allaient faire le métro avec le trésor municipal. Et c’est ce qui est arrivé», se souvient l’ancien directeur de l’urbanisme à la Ville de Montréal, Guy R. Legault.
Même si M. Drapeau promet de construire les premières lignes de métro, il ne pense pas à un réseau souterrain tel qu’on le connaît aujourd’hui, mais plutôt à un monorail aérien. Une firme parisienne vient même à Montréal pour lui présenter son projet, ce qui suscite un peu plus l’enthousiasme de M. le maire.
«Ça me fait toujours sourire de lire que Jean Drapeau passera à l’histoire comme le père du métro.» – Lucien Saulnier, président du comité exécutif de 1960 à 1966 dans le livre Jean Drapeau écrit par Brian McKenna et Susan Purcell
Lucien Saulnier n’en démord pas: il veut un métro souterrain. Au cours d’une séance du conseil municipal, à la fin de l’année 1960, il transmet une note au maire. «Dès l’instant où le budget est adopté, je prends un avion pour Paris, écrit-il, d’après ce qu’ont rapporté les auteurs Purcell et McKenna. Je veux voir de mes propres yeux cette damnée invention que vous voulez faire construire à Montréal. Si vous voulez venir, vous êtes le bienvenu. Sinon, j’y vais quand même.»
Les deux hommes s’envolent le lendemain pour la Ville lumière, où ils vont rapidement voir le monorail. C’est la déception pour les deux. Ils décident alors de faire une visite du métro de Paris où des voitures roulent sur des pneus de caoutchouc plutôt que sur des roues d’acier. «Le maire [est] gagné de la même ferveur qu’il avait démontrée pour le monorail», a rapporté M. Saulnier. Rapidement, le projet se met en branle.
Qui est Lucien Saulnier ?
- Il est élu au conseil municipal en 1954. Il a cofondé le Parti civique qu’a dirigé Jean Drapeau à la suite d’un conflit avec Pierre Desmarais, à l’origine de la Ligue d’action civique.
- Il a présidé le comité exécutif de la Ville de Montréal de 1960 à 1969.
- Après son départ de la politique, en 1972, il a travaillée notamment au sein d’Hydro-Québec, de la Régie des installations olympiques et de la Société d’énergie de la Baie James.
Ligne du temps
- Octobre 1961 – Présentation d’un avant-projet comprenant trois lignes, l’une dans l’axe est-ouest, une autre nord-sud et une autre qui passerait sous le mont Royal. Celle-ci sera abandonnée.
- Novembre 1961 – Le conseil municipal accorde un budget de 132M$ pour la construction du métro. Ce montant grimpera à 213M$ avec l’ajout de la ligne jaune.
- Mai 1962 – Les travaux commencent rue Berri.
- Août 1965 – Livraison des premières voitures de métro MR-63 construites par la Canadian Vickers
- 14 octobre 1966 – Le métro de Montréal est inauguré. Il génère pas moins d’un million de déplacements au cours de la première semaine. Le réseau initial compte 26 stations.
- Mars 1971 – Le métro fonctionne pendant tout la nuit à la suite de la «tempête du siècle».
- Octobre 1971 – Lancement des travaux de prolongement. Coût: 430M$.
- Décembre 1971 – Incendie majeur à la station Henri-Bourassa à la suite d’une collision entre deux trains dans l’arrière-gare. Vingt-quatre voitures sont détruites. Coût des dommages : 7M$.
- Janvier 1974 – Incendie éclate entre les stations Beaubien et Rosemont. Aucun blessé, mais des millions de dollars en dommages.
- Mai 1976 – Un moratoire est imposé sur tous les projets de prolongement puisque la facture des travaux de prolongement a grimpé à 1,6G$.
- Juin 1976 – La ligne verte est prolongée jusqu’à la station Honoré-Beaugrand et jusqu’à Angrignon en septembre 1978.
- Juillet 1976 – Livraison des voitures MR-73. Elles seront mises en service au mois de décembre.
- Novembre 1976 – Le pilotage automatique est mis en place.
- Novembre 1986 – La ligne orange est complétée jusqu’à la station Côte-Vertu.
- Mars 1988 – Ouverture de la dernière station de la ligne bleue, Acadie. Les autres stations ont ouverts de 1986 à 1988.
- Avril 2007 – Ouverture des trois stations à Laval
- Décembre 2013 – Québec annonce son intention de prolonger la ligne bleue jusqu’à Anjou.