Le maire sortant de Montréal, Denis Coderre, a nié avoir imposé à l’hôtel de ville «une culture de répression» après la publication d’un reportage de Radio-Canada sur le contrôle qu’exercerait l’ancien député sur l’information.
Dans cette enquête, élus, fonctionnaires mais également journalistes évoquent de l’intimidation et des pressions provenant du maire de Montréal ou de son cabinet.
«C’est-tu une dépense électorale pour mes adversaires?» a clamé, lundi matin, Denis Coderre, en référence à la campagne électorale qui bat actuellement son plein. Interrogé sur ce sujet au cours d’une mêlée de presse, l’intéressé n’a cependant pas réfuté ces informations, mais a tenu à préciser, à plusieurs reprises, qu’il n’«y a pas de pression indue.»
«C’est sûr qu’il peut y avoir de la friction des fois, mais c’est tout à fait normal, a-t-il reconnu, en s’adressant aux médias. Vous avez un travail à faire et on a un travail à faire. On a jamais été aussi pertinent à Montréal. On a maintenant des conférences continues, on a redéveloppé la nouvelle à Montréal. On est redevenu incontournable.»
L’élu a également défendu son entourage, qui, selon des exemples rapportés, contacterait des journalistes pour modifier une ligne éditoriale d’un article. «C’est pas un élu qui a appelé, a-t-il précisé, avant de souligner qu’il ne voulait pas «embarquer là-dedans».
«Moi, ce que je vous dis, c’est qu’il y a des relations entre les bureaux, entre le politique et le médiatique. Ça se fait, ça. En bout de la ligne, c’est pas de l’intimidation. Chacun fait son travail et chacun s’assure qu’on puisse avoir le plus de faits possibles.» –Denis Coderre
La FPJQ dénonce une «atteinte à la liberté de la presse»
Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Stéphane Giroux, s’est dit troublé par cette enquête et par les réactions de Denis Coderre. Il dénonce une «une tentative d’intimidation et d’atteinte à la liberté de la presse.»
«Si le maire ne se rend pas compte qu’il y a un problème, c’est qu’il est peut-être déconnecté de la réalité», indique-t-il, précisant avec de nombreux «courriels menaçants» en sa possession.
«Il y a une espèce d’arrogance dans l’équipe des communications que le maire a intérêt de rappeler à l’ordre, reprend Stéphane Giroux. C’est extrêmement inapproprié de la part d’un élu, même s’il le fait faire par une tierce personne, d’appeler un journaliste pour changer un titre. Une équipe de communication professionnelle et responsable n’est pas supposée tomber aussi bas.»
«Une légende urbaine»
Affirmant être «ouvert et transparent», le candidat à sa propre réélection s’est également justifié sur l’absence de fonctionnaires de la Ville devant les médias, même si ces derniers sont parfois les meilleurs spécialistes d’un dossier.
Selon les informations de Radio-Canada, chaque prise de parole doit être validée par le cabinet du maire. «On ne demande pas aux gens systématiquement de se rapporter à nous autres. C’est pas vrai. C’est une légende urbaine. Pensez-vous qu’on contrôle 28 000 employés?» a répondu Denis Coderre, qui a néanmoins admis qu’un élu, comme le maire de Montréal, devait prendre les devants devant les médias.
«Est-ce qu’on veut s’assurer que vous ayez une réponse adéquate? Oui. Est-ce que c’est le rôle des élus de répondre devant les médias sur les grands enjeux, sur les politiques? Oui, c’est ce que je fais», a-t-il affirmé, tout en soutenant que sous son mandat, «on n’a jamais eu tant de disponibilités des médias».
En fin de journée, la chef de Projet Montréal, Valérie Plante, a estimé que «Denis Coderre a franchi une ligne». L’aspirante mairesse a reproché à son adversaire d’avoir «accusé» l’auteur de cette enquête «d’être payé par Projet Montréal pour son reportage qui met en lumière le climat de méfiance et d’intimidation qui règne à l’hôtel de ville».
«Cette accusation est grave. Elle traduit l’état d’esprit d’un maire sortant arrogant et déconnecté, dont la campagne ne va nulle part», a-t-elle ajouté.