Les autorités et les organismes unissent leurs efforts pour s’assurer que tous les Montréalais puissent dormir à l’abri du froid au cours des prochains jours.
Les jambes frêles de Patrice tremblotent au coin des rues Christophe-Colomb et Mont-Royal. Nargué par les températures douces des derniers jours, genre d’automne indien, janvier a repris ses droits dans la nuit de dimanche. Et les itinérants sont les premiers à en payer le prix.
Visiblement affamé, Patrice tâte son repas congelé, logé dans la poche droite de son manteau. Avec les températures prévues au cours des prochains jours, son plat ne risque pas de ramollir de sitôt. «Avec le froid, les journées sont plus difficiles, c’est sûr; on essaie de passer le moins de temps possible dehors», dit-il en dansant légèrement sur place.
Grande consolation, toutefois : Patrice, pour 10 $, a trouvé un refuge pour la nuit. Il faut dire que la Ville de Montréal a mis en œuvre un ensemble de mesures d’urgence depuis la mi-décembre : ajout de places d’hébergement, navette entre les refuges et services de répit de 24 heures pour accommoder les itinérants chassés des organismes.
Si l’occupation des lits disponibles pour les hommes avoisinait 97 % lundi, le taux de saturation pourrait être atteint dès cette nuit. «Nous surveillons la situation de près, assure Marie-Josée Thibert, relationniste de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal. L’objectif est de ne laisser personne dormir dehors.»
En guise de dernier refuge, plusieurs «collègues» de la rue de Patrice, moins chanceux ou moins assidus, apparaissent dans la vitrine des McDonald’s et des Tim Hortons de la métropole. Les gobelets de café vidés depuis des heures, les têtes laissées à la grâce de Morphée, les locataires des restaurants 24 heures restent à la merci des gérants.
En haut de la pyramide, pas de mot d’ordre. «Il n’y a pas de politique claire en matière d’itinérance par temps froid, explique Jason Patuano, directeur des communications pour la région de l’Est chez McDonald’s. C’est avant tout une question de jugement.»
M. Patuano assure toutefois que les gérants sont conscients que la clientèle du centre-ville est plus diversifiée. «Les gens ne sont pas insensibles, et nous ne discriminons pas notre clientèle. En revanche, il faut que l’espace soit agréable à fréquenter pour tous nos clients.»
Patrice, pour sa part, entre deux quêtes, continuera de se balader de restaurant en restaurant et trouvera une place au chaud le soir venu. Pas de plainte, seulement un petit inconfort. «J’ai les pieds gelés avec ces bottes-là, c’est l’enfer, je dois les changer», maugrée-t-il en pointant ses godasses usées.
Mais l’homme s’en fait davantage pour son interlocuteur que pour sa propre situation. «Tes lacets sont défaits. Ça ne paraît pas, mais je travaille en ce moment. Je m’occupe de la sécurité et de la prévention dans les rues». Et ce n’est certainement pas les temps polaires qui l’arrêteront.
Distribution de mazout
Depuis le mois de décembre, du mazout est offert gratuitement aux familles de Montréal qui vivent une situation d’urgence en raison des froids intenses.
- Le programme est parrainé par l’organisme Jeunesse au Soleil et l’Association québécoise du chauffage au mazout.
- Depuis 21 ans, quelque 300 000 L de mazout ont été distribués.