La valeur des propriétés ne cesse de grimper à Montréal alors que l’écart avec le marché immobilier de Toronto se resserre. Une situation qui pourrait contribuer à la pénurie de logements locatifs dans la métropole.
«Montréal devient de moins en moins abordable», constate le vice-président et directeur général de Royal LePage, Dominic Saint-Pierre.
Ce dernier est l’auteur d’une étude, publiée jeudi, qui témoigne d’une hausse de 8,1% des propriétés dans les quartiers centraux de la métropole québécoise sur une période d’un an, contre une hausse de 5,8% dans la Ville Reine. Le prix médian à l’achat d’un condo dans des quartiers comme le Sud-Ouest, le Plateau-Mont-Royal ou Ville-Marie se situerait donc désormais à près de 400 000$, contre environ 577 000$ à Toronto, selon cette étude.
«La demande est forte alors qu’il y a très peu de propriétés en vente sur le marché, donc ça entraîne une hausse des prix», a expliqué à Métro l’économiste Francis Cortellino, de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
«Les prix augmentent à Montréal, beaucoup plus qu’ailleurs. Il y a un problème d’abordabilité.» -Jean-Philippe Meloche, professeur agrégé à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal
Consciente de cette problématique, la Ville de Montréal se montre confiante que l’ajout de 12 000 logements sociaux et abordables de même que son règlement d’inclusion, qui obligera notamment les constructeurs à inclure plus de logements familiaux dans leurs projets immobiliers, permettra de limiter cette montée des prix dans les années à venir.
«On veut une stratégie d’inclusion pour qu’on puisse développer l’immobilier à Montréal tout en s’assurant qu’on peut conserver l’abordabilité pour les familles à faible revenu», a affirmé le responsable de l’habitation au comité exécutif, Robert Beaudry, qui demande d’ailleurs à Québec d’étudier la possibilité que Montréal puisse imposer une taxe aux acheteurs étrangers, qui seraient de plus en plus nombreux à contribuer à la spéculation immobilière dans la métropole.
«La Ville m’apparaît être complètement déconnectée des marchés immobiliers actuels», a rétorqué le professeur agrégé à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche. Selon lui, les règles contraignantes que compte mettre en place Montréal feront fuir les promoteurs immobiliers, qui se tourneront plutôt vers les villes de banlieue.
«Le résultat, ça ne peut pas être autre chose que l’étalement urbain», a ajouté l’expert.
Prix des loyers
Une telle hausse du prix de vente des propriétés risque par ailleurs de contribuer à réduire encore davantage le taux d’inoccupation des logements, car plus de Montréalais pourraient décider de se tourner vers le marché locatif à défaut d’avoir les moyens de s’acheter leur propre logement.
«Le prix de l’immobilier est un facteur qui entre en ligne de compte dans le retour des jeunes acheteurs vers le marché locatif», a confirmé Francis Cortellino, de la SCHL. Il devient donc «plus difficile pour un locataire de trouver un logement qu’auparavant», a-t-il ajouté.
Actuellement, seulement 1,9% des logements locatifs sont disponibles à Montréal. Une situation qui rend périlleuse la recherche d’un nouvel appartement pour les locataires en plus de contribuer à la hausse du prix des loyers dans la métropole, déplore le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).
«Il y a une pénurie de logements et on s’en va vers une crise. Il y a beaucoup de locataires qui sont en détresse parce qu’ils n’arrivent pas à trouver un logement abordable qui leur convient», a affirmé en marge d’une conférence de presse jeudi le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard. Ce dernier estime que la Ville et Québec devraient mieux encadrer les plateformes de type Airbnb, qui contribuent à la «spéculation immobilière».
La porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Virginie Larivière, croit pour sa part que le gouvernement Legault devrait rendre obligatoire le respect par les propriétaires de logements des critères annuels de fixation du prix du loyer de la Régie du logement, qui fera prochainement l’objet d’une refonte.
«Quand on n’a pas les moyens de payer un logement avec la pression qui est induite sur les prix, on ne voit pas comment les choses pourraient s’améliorer si la Régie n’encadre pas mieux cette situation-là», a-t-elle dit.