Le nouveau pont Samuel-De Champlain promet d’améliorer la fluidité de la circulation entre la Rive-Sud et l’île de Montréal, mais des défis subsistent en ce qui a trait au partage de cette infrastructure par les différents usagers de la route qui l’emprunteront au cours des 125 prochaines années. Tour d’horizon.
Un modèle à suivre
Le nouveau pont Champlain, ouvert en direction nord depuis lundi, dispose d’une piste multifonctionnelle pour les piétons et les cyclistes en plus d’un tablier central qui accueillera le Réseau express métropolitain (REM) d’ici la fin de 2021.
«Le vieux pont était surtout fait pour les automobiles. Le nouveau est conçu pour les cyclistes, les voitures et pour le train qui circulera en son centre», analyse le professeur adjoint Département de génie du bâtiment, civil et environnemental à l’Université Concordia, Fuzhan Nasiri, qui estime que cette nouvelle structure favorisera la «multimodalité» et le développement économique de la Rive-Sud.
Une configuration qui devrait servir de modèle pour les prochains ponts qui seront bâtis dans la province, estime le chargé de cours Pierre Barrieau, qui enseigne la planification du transport dans plusieurs universités de la province.
«Je pense que tous les nouveaux ponts devraient avoir des voies réservées aux transports collectif et actif», affirme l’expert.
Le pont dispose par ailleurs d’accotements plus large où pourront s’immobiliser des véhicules en panne sans bloquer la circulation automobile.
«Ça va assurément améliorer la fluidité. Ce qui m’inquiète un peu, par contre, c’est le transport des marchandises, qui joue un rôle important dans l’économie de Montréal. Si on avait une voie réservée pour les camions, ça contribuerait davantage à la fluidité», soulève pour sa part la professeure adjointe à l’Institut d’ingénierie des systèmes d’information de Concordia et spécialiste des enjeux de mobilité, Anjali Awasthi.
Arrivée du REM
Le nouveau pont Samuel-De Champlain compte trois voies dans chaque direction en plus d’une voie d’accotement actuellement dédiée à la circulation des autobus du Réseau de transport de Longueuil (RTL) et de transporteurs privés. L’arrivée du REM sur le tablier central de cette structure de 3,4 kilomètres, à la fin de 2021, viendra toutefois chambouler les déplacements des usagers du transport en commun de la Rive-Sud, qui devront transférer de l’autobus au futur train léger pour se rendre au centre-ville de Montréal.
«Ça va ralentir les trajets. Le train, lui-même, est plus fiable que l’autobus. Il est plus fréquent et il est plus rapide, mais il ne va pas chercher les gens dans chacune des municipalités. Les gens vont devoir prendre des navettes pour se rendre au train alors qu’avant, ils pouvaient juste prendre l’autobus pour se rendre au centre-ville», soulève le professeur Jean-Philippe Meloche, de la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal.
Si elle salue l’arrivée du REM, Mme Awasthi estime qu’il aurait été préférable de permettre aux usagers du transport en commun de la Rive-Sud d’avoir la possibilité de choisir entre l’autobus et le train léger pour traverser cette immense structure.
«Pour améliorer les déplacements des usagers, il faut offrir le plus d’options possibles. Il faut considérer la demande et offrir meilleure intégration système existant», souligne-t-elle.
Le bureau de projet du REM affirme pour sa part que les usagers du transport en commun de la Rive-Sud pourront se rendre plus rapidement au centre-ville de Montréal lorsque le train léger entrera en fonction, malgré l’ajout d’un transfert entre les autobus locaux et le REM, qui disposera d’une forme de monopole du transport collectif sur ce pont.
«On est conscients qu’il y a une connexion, une rupture de charge, mais cette connexion-là est efficace», explique le porte-parole Jean-Vincent Lacroix.
Le REM, en plus d’être plus rapide que l’autobus, offrira une fréquence semblable à celle du métro de Montréal, soit un passage aux deux minutes et demi aux heures de pointe et aux cinq minutes en moyenne en période hors pointe. L’arrivée du train léger permettra par ailleurs de retirer de la circulation 450 autobus en matinée et en soirée, note M. Lacroix.
«Le REM va enlever des centaines d’autobus qui se retrouvent actuellement à Griffintown une fois qu’ils ont traversé le pont.» -Pierre Barrieau, chargé de cours
Le bureau de projet affirme en outre que la possibilité de permettre aux autobus d’emprunter la voie d’accotement du pont Samuel-De Champlain si le REM tombe en panne fait partie des options envisagées pour réagir à d’éventuelles «situations exceptionnelles».
Le nouveau pont Champlain, qui offre une vue prenante sur la métropole, sera ouvert dans les deux directions à partir du premier juillet. Son ouverture complète, initialement prévue pour décembre 2018 après quatre ans de travaux, se sera ainsi concrétisée avec six mois de retard.