Montréal compte parmi les villes canadiennes où les consommateurs sont les plus à risque d’être victimes du mauvais étiquetage des poissons qu’ils achètent. Une situation qui peut affecter tant leur portefeuille que leur santé.
L’organisme Oceana Canada a réalisé une vaste enquête entre 2017 et 2019 sur les cas de fraude dans l’étiquetage des poissons dans six villes canadiennes. Sur les 472 échantillons dont l’ADN a été analysé à travers le Canada, 47% «étaient identifiés de façon trompeuse», souligne le document, dont Métro a obtenu copie.
«Les fruits de mer sont vraiment des produits très à risque», souligne la chargée de campagne contre la fraude dans le secteur des fruits de mer à Oceana Canada, Sayara Thurston.
La situation est d’autant plus problématique à Montréal, où 61% des 90 échantillons analysés en juillet dernier étaient mal identifiés. Ceux-ci ont été recueillis dans 18 épiceries et 33 restaurants de la métropole.
En mars, l’organisme a publié les résultats d’une étude similaire réalisée aux États-Unis. Celle-ci concluait qu’un poisson sur cinq est mal étiqueté chez nos voisins du sud.
Plus cher
Les motifs de fraude peuvent être multiples et ceux-ci sont généralement reliés à des raisons financières. Ainsi, 34% des cas d’étiquetage trompeur recensés à Montréal concerne la substitution d’un produit par un autre de plus grande valeur, comme du thon ou du vivaneau.
Plusieurs poissons d’élevage ont aussi été vendus comme ayant plutôt été pêchés en mer. Or, un kilo de saumon sauvage du Pacifique vaut environ 78$, tandis que la même quantité de saumon d’élevage de l’Atlantique vaut un peu plus de 34$, souligne le rapport. Les consommateurs qui achètent un produit de la mer mal étiqueté se retrouvent ainsi à payer trop cher pour ce qui se retrouvera vraiment dans leur assiette.
Par ailleurs, un peu plus de 3% des échantillons recueillis à Montréal étaient des espèces dont la vente est interdite au pays, entre autres parce qu’elles sont en voie d’extinction.
Problèmes de santé
Ces cas de fraude peuvent aussi représenter des risques pour la santé. Certaines espèces vendues au pays peuvent contenir entre autres des toxines, des parasites ou des allergènes, souligne le rapport.
«On a trouvé dans toutes les villes des cas où on vend une espèce d’escolar alors qu’on sait que ça peut causer des problèmes gastro-intestinaux assez graves», note l’experte. Cette espèce, utilisée pour remplacer le thon jaune, a notamment été bannie du Japon et de l’Italie.
Santé Canada recommande d’ailleurs aux femmes enceintes d’éviter de consommer ce poisson.
«Des preuves grandissantes démontrent que la fraude des fruits de mer est un problème urgent et répandu à travers le pays, et qu’une intervention du gouvernement fédéral est nécessaire.» -Extrait du rapport.
Ottawa appelé à agir
L’organisme demande à Ottawa d’agir et d’adopter un système de traçabilité des poissons semblable à celui en place dans l’Union européenne.
«Un système de traçabilité va permettre de connaître le lieu de la pêche et la vraie provenance du produit», explique Mme Thurston. L’organisme réclame aussi que les normes d’étiquetage soient bonifiées pour inclure plus de détails sur les poissons vendus, dont leur origine, l’équipement de pêche utilisé et le nom scientifique de l’espèce.
Plusieurs partis politiques fédéraux se sont engagés à contrer la fraude dans la vente des produits de la mer. Ceux-ci comprennent le Nouveau parti démocratique, le Parti libéral et le Parti conservateur.