Les autorités publiques ne s’attardent pas assez aux risques reliés à la consommation de méthamphétamine à Montréal, selon un organisme. Cette drogue causerait plus de ravages que les opioïdes dans la métropole.
«La consommation de métamphétamine, elle est omniprésente à Montréal», lance d’emblée le directeur de Cactus Montréal, Jean-François Mary. L’organisme montréalais, qui gère notamment des sites d’injection supervisée, intervient régulièrement auprès de personnes qui consomment de la méthamphétamine.
Cette substance psychoactive, dont la possession est interdite au pays, prend différentes formes sur le marché noir. Elle est souvent utilisée pour remplacer l’amphétamine, moins puissante, dans les pilules de speed. On la retrouve aussi sous formes de cristaux, ce qu’on appelle communément le «crystal meth».
Cette drogue de synthèse, en plus d’être addictive, peut s’avérer très toxique.
«Le psychostimulant le plus dommageable au niveau cardiaque, c’est la méthamphétamine en raison de sa durée d’action», explique M. Mary.
Cactus Montréal est un des principaux organismes montréalais qui distribuent des pipes adaptées à la consommation de méthamphétamine. Cette initiative vise à réduire les risques de transmission de maladies, comme le VIH et l’hépatite C.
Ces maladies peuvent être transmises lorsque plusieurs personnes se partagent le même matériel de consommation.
Montréal et Granby en tête
Des chercheurs universitaires de nombreux pays, dont une professeure de l’Université McGill, ont réalisé sur sept ans une vaste étude qui porte sur les résultats d’analyses des eaux usées dans 120 villes situées notamment en Europe et en Amérique du Nord. Ces analyses visaient à comparer la quantité de différentes drogues présentes dans les eaux usées de 37 pays.
Montréal et Granby sont généralement dans la moyenne ou en-dessous de celle-ci concernant la consommation de drogues. Néanmoins, en ce qui a trait précisément à la méthamphétamine, Granby se retrouve au premier rang des villes où cette drogue est la plus consommée. Montréal se retrouve également dans les 10 villes analysées où cette substance est la plus populaire, selon cette étude publiée la semaine dernière.
«Des gens qui meurent en raison d’overdoses de stimulants, c’est commun», laisse tomber M. Mary, qui n’a pas été surpris par les révélations de cette étude.
Une crise négligée
Dans les dernières années, les autorités publiques du Québec ont mis en place des mesures pour éviter à la province de connaître une crise des opioïdes comme celle qui frappe entre autres les États-Unis et la Colombie-Britannique depuis quelques années. Le précédent gouvernement Couillard a notamment créé l’an dernier une stratégie nationale pour prévenir les surdoses d’opioïdes.
Celle-ci a entre autres permis de tenir des campagnes de sensibilisation et de faciliter l’accès à la naloxone, le remède à cette drogue mortelle.
Les pompiers de Montréal ont d’ailleurs été formés cette année pour pouvoir administrer de la naloxone afin de freiner la hausse des cas de surdoses d’opioïdes.
«Sur le débat sur les surdoses, on parle beaucoup des opioïdes, mais au Québec, il faut aussi parler des psychostimulants. On a un problème majeur de psychostimulants», martèle Jean-François Mary.
Ce dernier souligne que les risques reliés à la consommation de méthamphétamine sont «tout aussi graves» que ceux associés aux opioïdes. Ces drogues de synthèse peuvent notamment causer des problèmes cardiaques sévères en cas de surdoses.
«Ça prend des interventions d’urgence très rapides pour éviter la mort», souligne-t-il.
Décriminaliser
Selon lui, une mesure à privilégier serait de décriminaliser la méthamphétamine, dont la simple possession peut actuellement mener à l’ouverture d’un casier judiciaire.
«C’est un enjeu de santé qui est intrinsèquement lié à nos lois sur les drogues», estime-t-il.
Puisque les drogues de synthèse sont actuellement illégales, les consommateurs dépendent du marché noir. Plusieurs personnes qui voudraient par exemple se procurer de l’amphétamine, moins puissante, se retrouve alors contre leur gré à acheter de la méthamphétamine.
«Les gens n’ont pas le choix. Ils achètent ce qui est disponible. Si tout ce qu’il y a sur le marché des stimulants, c’est de la cocaïne et de la méthamphétamine, ils prennent ce qu’il y a.
Selon lui, la décriminalisation des drogues permettrait de proposer «une alternative légale plus sécuritaire aux produits qui sont sur le marché noir», ce qui pourrait réduire les risques de surdoses.
Au moment de mettre en ligne, le ministère de la Santé n’avait pas commenté cette proposition.