S’allonger sur la chaise, pencher sa tête vers l’arrière et abandonner ses cheveux aux mains expertes du coiffeur. Ce rituel, anodin pour la majorité des gens, s’avère souvent inaccessible pour des milliers de femmes vivant dans la rue ou en situation de précarité. Mais pas au Chaînon. Bienvenue chez Luc mon coiffeur.
Loin d’être un luxe, une coupe de cheveux professionnelle peut s’avérer, pour ces femmes, un gros coup de pouce à l’estime de soi ainsi qu’un bouclier fort efficace contre les jugements réprobateurs et la violence de l’itinérance.
«Ils se fondent davantage dans la masse, ça leur fait une petite armure, explique Luc Vincent, initiateur et meneur du projet Luc mon coiffeur au sein de l’organisme Le Chaînon. Une journée qui fait froid, par exemple, tu as moins de chances de te faire expulser d’un café si ta coiffure te permet de te fondre dans la masse».
Ainsi, aux deux mois, le coiffeur déniche de sept à dix coiffeurs prêts à venir laver, teindre et coiffer gratuitement les cheveux des résidentes du Chaînon.
Dans le petit local savamment aménagé en salon de coiffure, les rires, les conversations et la musique font compétition au bruit des sèche-cheveux. Même entassées les unes contre les autres, les femmes ne boudent pas leur plaisir.
«C’est merveilleux! lâche Pierrette, une résidente du Chaînon. Je me sens comme une autre femme. En ce moment, j’ai mal aux mains et je ne peux pas me maquiller, je ne peux pas prendre aussi bien soin de moi qu’auparavant donc c’est exceptionnel.»
La joie est encore plus palpable qu’habituellement puisque, le soir même, se tient l’annuel bal de financement du Chaînon.
«Le grand bal se fait au Sheraton pour ramasser des fonds, mais il se fait aussi ici au Chaînon. Les femmes vont manger la même chose que les invités du Sheraton. C’est une belle soirée, il y a beaucoup de frénésie, beaucoup de joie dans la place.»
Dans le grand salon, transformé en salle de bal, loin des soucis quotidiens, les femmes retrouvent pour un moment, un brin de normalité… et une magnifique coiffure.