Montréal

Dépistage: des mesures sanitaires «insuffisantes» sèment l’inquiétude à Montréal

Plusieurs patients dénoncent les conditions sanitaires «insuffisantes» dans les cliniques de dépistage actuellement. À Montréal, deux femmes rencontrées par Métro affirment avoir quitté l’Hôtel-Dieu sans même se faire tester, trop stressées par le risque de transmission sur les lieux. Selon un expert en virologie, leur situation illustre la nécessité d’innover pour mieux gérer «l’angoisse collective».

«On nous a dit au téléphone que toutes les conditions étaient mises en place, qu’on ne verrait personne, et qu’on passerait d’un employé à un autre. Mais une fois sur place, c’était une toute autre réalité», témoigne la Montréalaise de 28 ans, Alice Bernard.

Une fois passée par le triage, celle-ci affirme avoir été placée «dans un tout petit cubicule», où plus d’une vingtaine de personnes attendaient d’être testées, à moins d’un mètre de distance les unes des autres. «On a dit au vigile que ce n’est pas sécuritaire. Il nous a répondu qu’on ne peut rien faire, que les gens font bien ce qu’ils veulent. C’est désolant», lâche-t-elle.

Sa colocataire Mariama Camara, qui était à ses côtés, abonde exactement dans le même sens.

«Il y avait des gens qui toussaient à côté de nous, et qui n’avaient même pas de masque. Moi, ça m’a énormément angoissé. Et personne n’était là pour nous rassurer», dénonce-t-elle.

Les grands moyens

À court de solutions, Alice et Mariama ont décidé de prendre elles-mêmes les choses en mains. «On a fait sortir les gens dehors, et on leur a demandé de prendre des distances raisonnables. Heureusement, les gens ont été collaboratifs, mais je n’en revenais pas d’avoir à faire ça», relate Mariama.

D’après Alice, la situation n’est tout simplement pas raisonnable actuellement dans les centres de dépistage.

«Ce n’est pas fair, ce n’est pas correct. Tous les gens qui vont là-bas sont hyper angoissés. Il faudrait au moins avoir des responsables sur place qui gèrent cette anxiété.» -Alice Bernard

Guinéenne d’origine, Mariama a travaillé dans plusieurs ONG internationales, notamment dans la lutte contre le virus Ebola. Au Québec, elle s’attendait à un système plus optimal pour gérer la crise. «On connaît les problèmes de l’Afrique et du manque de matériel. Mais ici, les moyens sont là. Il faut nous mettre dans des salles d’examen, ou alors mieux gérer les rendez-vous pour éviter les attroupements. C’est très dangereux en ce moment», martèle-t-elle.

Des cliniques de dépistage repensées?

Pour l’expert en virologie de l’UQAM, Benoit Barbeau, le cas d’Alice et de Mariama témoigne de la nécessité d’optimiser les processus de dépistage au Québec. «La meilleure façon d’éviter l’angoisse, c’est d’éviter la saturation. Il faut augmenter le nombre de cliniques et avoir des intervenants pour améliorer le triage, bref être présents pour les patients. On est tous anxieux», juge-t-il.

À Québec, un projet de clinique de dépistage «à l’auto», que la Ville a ouvert mercredi dans le garage de l’Hôpital Chauveau à Loretteville, fait beaucoup jaser. Les citoyens peuvent y être testés sans sortir de leur voiture: ils n’ont qu’à franchir une porte de garage et en ressortir par l’autre extrémité.

C’est ce genre de projet qui peut contribuer à mieux gérer le stress des patients, d’après le spécialiste.

«C’est loin d’être une situation idéale dans les cliniques, et je comprends que les personnes soient anxieuses. En Corée, le virus a cessé sa progression, parce qu’ils ont été très agressifs dans le dépistage. Mais aussi parce qu’ils ont instauré ce service à l’auto très tôt.» -Benoit Barbeau, expert en virologie de l’UQAM

Jeudi, une équipe de recherche de l’Université de Montréal (UdeM) a obtenu le feu vert des autorités pour effectuer des tests sur un appareil qui pourrait éventuellement écourter le délai de réponse au dépistage. «En quelques minutes, l’instrument pourrait indiquer si l’échantillon contient les anticorps du coronavirus, une opération qui prend actuellement plusieurs heures», explique le professeur au Département de chimie de l’UdeM, Jean-François Masson.

Et à Montréal?

Hier, la directrice de la santé publique de Montréal (DRSP), Mylène Drouin, a souligné que de nouvelles manières de dépister la COVID-19 étaient en préparation pour permettre «un plus grand volume» de tests.

«On travaille pour augmenter notre capacité de cliniques de dépistage. C’est une étape cruciale pour identifier les cas et nous permettre de les circonscrire. On va vous présenter de façon imminente de nouvelles modalités de dépistage plus accessibles», a-t-elle indiqué.

À Montréal, le CHU Sainte-Justine a déjà annoncé son intention de mettre en place un service de dépistage au volant «sur rendez-vous», qui agira en complément de sa clinique actuelle de dépistage. Le nouveau service sera offert de 8h30 à 19h, chaque jour. D’autres établissements montréalais pourraient rapidement l’imiter.

Par ailleurs, plusieurs villes en Gaspésie ainsi que sur la Côte-Nord, en Beauce, à Thetford Mines et à Montmagny inaugureront bientôt des cliniques à l’auto.

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