Dans l’est de Montréal, les indicateurs de qualité de l’air semblent s’améliorer depuis le début de la crise sanitaire : ralentissement des activités industrielles et retrait de véhicules sur les routes, ce coronavirus serait-il un baume pour l’atmosphère ? Haro aux conclusions hâtives, répondent des experts.
Aux yeux des non-initiés, les données recueillies par les stations d’échantillonnage de l’air de l’est de Montréal peuvent donner l’impression que la pollution atmosphérique est en diminution depuis le début de la crise du coronavirus.
Entre le 13 et le 31 mars 2020, la moyenne des indices de qualité de l’air est de 26,2. L’indice est jugé acceptable s’il est situé entre 26 et 50, bon, entre 0 et 25 et inacceptable lorsqu’il excède 50. En 2019, durant la même période, cet indice était de 32,6.
Mais attention, ces données ne permettent pas encore de déceler une tendance, prévient le ministère de l’Environnement et des Changements climatiques.
« Les données doivent être comparées aux statistiques sur plusieurs années pour permettre de conclure sur l’influence de la pandémie COVID-19 sur la qualité de l’air », soutient Raphaëlle Savard-Moisan, porte-parole du ministère.
« Il est fort probable que la diminution de l’activité économique et du transport auront un impact sur la qualité de l’air, mais une analyse poussée et une interprétation des données sont requises », nuance-t-elle. D’autant que la « qualité de l’air au Québec est meilleure qu’en Asie », là où ont été observées de nettes améliorations.
Même si le trafic sur les routes et l’activité industrielle font partie des responsables de la pollution dans l’air, ils ne sont pas les seuls responsables. « Il faut prendre en compte la météo entre autres. De plus, les concentrations en ozone sont naturellement plus élevées en cette période de l’année ».
Aussi « le fait qu’un fort pourcentage de la population soit à la maison pourrait augmenter les concentrations de particules fines liées au chauffage au bois », explique Mme Savard-Moisan.
«Il faudra ici aussi écouter et agir en conséquence plutôt que de se fermer les yeux, les oreilles et la bouche en attendant la prochaine crise.» -Jean-Philippe Waaub, professeur à l’Université du Québec à Montréal
Vers une prise de conscience
Malgré les mises en garde contre les conclusions hâtives, certains espèrent que ces données préliminaires donnent un aperçu de la suite des choses.
La halte soudaine de la congestion routière et le ralentissement industriel est « une bonne nouvelle pour la planète », soutient Vincent Marchione, président du Comité de vigilance environnementale de l’Est de Montréal.
Mais il prévient que la qualité de l’air ne sera pas meilleure une fois la crise sanitaire terminée « si on continue à implanter des industries lourdes dans l’est de Montréal ».
Une fois les restrictions levées, les questions environnementales devront impérativement figurer au cœur des décisions gouvernementales, insiste Ryan Worms, directeur du programme de mobilisation chez Équiterre.
Selon ce dernier, « il faut que les gouvernements gardent un espace pour penser à quelle relance économique ils vont vouloir ». Pour lui, cette crise aura mis à nu « la vulnérabilité de l’économie et de la consommation, ainsi que de leurs dommages sur l’environnement ». Mais il croit que « l’intelligence collective peut faire la différence ».
La pandémie de COVID-19, un moment charnière pour la planète? C’est l’avis de Jean-Philippe Waaub, qui enseigne entre autres l’évaluation environnementale au département de géographie de l’UQAM.
« Après cette crise, il me semble que l’on ne pourra pas décemment reprendre « comme avant » […] les prises de conscience et les apprentissages importants se font à la dure ».
Selon lui, il s’agit non pas d’une, mais de plusieurs crises interconnectées : « climat, biodiversité, ressources naturelles, modes de production plutôt prédateurs, agriculture et alimentation, et bien entendu santé publique et écosystémique ».
En collaboration avec Clara Loiseau