La Ligue des Noirs du Québec a acheminé une demande à la Ville de Montréal dans l’espoir de conclure une entente à l’amiable qui mettrait fin au recours collectif de l’organisme en lien avec des cas allégués de profilage racial au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
«On n’arrête pas le recours, mais on est disponibles s’ils veulent trouver une solution», explique l’avocat de la Ligue, Jacky-Eric Salvant.
En août 2019, le juge André Prévost, de la Cour supérieure du Québec, a autorisé une action collective de l’organisme de défense des droits de la communauté noire contre la Ville. Celle-ci porte sur des pratiques présumées de profilage racial au SPVM.
L’organisme allègue depuis plusieurs années que les personnes racisées font souvent l’objet d’interventions policières en raison de la couleur de leur peau. Le plaignant principal, Alexandre Lamontagne, un Montréalais d’origine haïtienne, affirme d’ailleurs avoir fait l’objet d’une arrestation policière sans fondements le 14 août 2017.
Un rapport universitaire présenté par le SPVM en octobre dernier a ensuite donné de l’eau au moulin à cette action collective. Celui-ci concluait que, de manière générale, une personne noire aurait environ quatre fois plus de chances de faire l’objet d’une interpellation policière qu’une personne blanche à Montréal. Le montant associé à l’action collective a alors grimpé à 171 M$.
Trouver des solutions
L’organisme affirme toutefois qu’il veut maintenant prioriser la voie de la discussion avec la Ville plutôt que l’avenue judiciaire. Une initiative prise alors que des milliers de Montréalais ont défilé dans les rues de la métropole dimanche pour dénoncer notamment le profilage racial et la brutalité policière.
«Le but, ce n’est pas juste d’aller à la Cour. On veut faire partie de la solution. Donc, on leur a tendu la main et on attend un retour du bureau de la mairesse», indique M. Salvant, qui affirme que l’organisme a une bonne relation avec l’administration municipale.
L’avocat n’a pas précisé la forme que prendrait cette entente, qui pourrait inclure la remise d’un dédommagement financier à l’organisme. La priorité de l’organisme, toutefois, c’est de trouver des solutions aux problèmes de profilage racial au sein du SPVM.
«Ce qui se passe [aux États-Unis] pourrait survenir ici aussi. Ça nous montre l’importance d’agir pour trouver des solutions en amont et non après.» -Jacky-Eric Salvant, avocat de la Ligue des Noirs du Québec
Le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a d’ailleurs confirmé mercredi à Métro avoir reçu une lettre de la Ligue demandant de rencontrer l’administration.
«Nous allons bien entendu y donner suite, la Ligue des Noirs étant un partenaire important», a indiqué son attachée de presse, Geneviève Jutras.
«Un point de départ»
Le vice-président de la Commission de la sécurité publique de la Ville et élu d’Ensemble Montréal-Nord, Abdelhaq Sari, a accueilli positivement cette démarche de la Ligue. La signature de cette entente à l’amiable, si elle a lieu, devra toutefois s’accompagner d’actions concrètes, souligne-t-il.
«Ça va démontrer un point de départ, mais il reste beaucoup de choses à faire, notamment la création d’une politique sur les interpellations policières et la collecte des données sur la race [concernant les interpellations policières]», indique l’élu.
Un constat que partage le cofondateur de Hoodstock, Will Prosper, qui estime que la Ville tarde à agir pour mettre fin au profilage racial dans son corps de police.
«D’avoir des gens qui se font arrêter par la police seulement parce que ce sont des personnes noires, ça a des coûts importants. Ça a des coûts psychologiques chez ces personnes-là et ça a aussi des impacts sur la population de voir que des policiers contrôlent beaucoup de personnes noires. Ça crée une mauvaise perception dans la population», soulève celui qui a co-organisé la marche de dimanche dernier.
Dans les dernières années, la Ville et le SPVM ont réalisé plusieurs rapports et bilans portant sur les enjeux de profilage racial à Montréal.
«On n’a pas besoin d’un énième rapport pour agir», laisse tomber M. Prosper.