Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) reconnaît que sa politique en matière d’interpellations policières devra «évoluer», alors que celle-ci fait l’objet de nombreuses critiques.
Le corps de police a présenté mardi cette politique dans le cadre d’une consultation publique virtuelle organisée par la Commission de la sécurité publique (CSP) de Montréal. Celle-ci avait déjà fait l’objet d’une annonce le 8 juillet. Les citoyens ont toutefois dû attendre jusqu’à aujourd’hui pour questionner le SPVM sur cette politique, qui vise à mettre fin aux interpellations policières jugées sans fondement ou discriminatoires.
La CSP a ainsi reçu 35 questions de citoyens en prévision de cette présentation. Plusieurs Montréalais ont notamment souligné l’absence de mesures coercitives prévues à même cette politique afin de sévir contre les policiers qui feraient preuve de profilage racial dans le cadre d’une interpellation policière.
À cet égard, l’inspecteur-chef Vincent Richer a indiqué que les citoyens peuvent effectuer une plainte en déontologie policière ou encore se tourner vers la Commission des droits de la personne.
«La plupart du temps, les poursuites en déontologie entamées par les citoyens [contre des policiers] tombent à l’eau», rétorque toutefois le vice-président de la CSP, Abdelhaq Sari, en entrevue à Métro. Il doute ainsi que les policiers qui feront preuve de profilage racial à l’avenir en subiront les conséquences.
Contrôles routiers
Le conseiller du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Alain Babineau, déplore pour sa part l’absence d’encadrement des contrôles routiers dans le cadre de cette politique.
«Si les contrôles automobiles ne sont pas mis dans la politique, ça ne donne rien», tranche l’ancien policier. À cet égard, le président de la CSP, Alex Norris, a fait part de son intérêt d’entamer des démarches avec Québec afin de mieux encadrer les contrôles routiers.
«Il y a le phénomène du driving while black, qu’on ne peut pas éviter. Il faut travailler avec Québec pour régler ce problème relié aux contrôles routiers.» -Abdelhaq Sari, vice-président de la CSP
Fiche d’interpellation
Avec cette politique, le corps de police entend obliger les policiers à remplir une fiche à la suite d’une interpellation policière dans le but de justifier celle-ci, lorsque nécessaire. Le SPVM espère ainsi éviter que des interpellations aient lieu sous des motifs discriminatoires, comme l’origine ethnique ou la religion d’un individu. Le SPVM colligera ensuite ces informations dans une base de données.
Ce ne sont toutefois pas toutes les interpellations policières qui devront faire l’objet d’une fiche justificative, ce qu’ont déploré des citoyens. D’autres ont aussi appelé la Ville à retirer le financement du SPVM au profit d’organismes communautaires.
«Si les interventions avec les gens en crise peuvent se faire avec des travailleurs sociaux plutôt que des policiers, nous sommes favorables à une telle approche», a répondu M. Norris. L’élu de Projet Montréal a ainsi souligné que l’administration Plante est «favorable» à une hausse «des investissements dans les services sociaux et communautaires», notamment auprès des sans-abri et des personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Consultation
Au cours des prochaines semaines, le SPVM sélectionnera sept «coachs en interpellation». Ceux-ci auront comme rôle de former les policiers à bien appliquer cette politique, qui doit entrer en vigueur cet automne. Une évaluation de sa mise en oeuvre par des experts aura ensuite lieu de janvier à juin 2021. Celle-ci fera l’objet d’un rapport.
Entre temps, les citoyens ont jusqu’au 30 septembre pour déposer des mémoires à la CSP. Celle-ci déposera ensuite des recommandations à la Ville afin de bonifier cette politique.
«Cette politique n’est pas arrêtée dans le temps. Elle va évoluer dans le temps», assure le lieutenant Vincent Richer, qui se montre ouvert à «remettre en question» cette politique afin de «l’améliorer».
En octobre 2019, un rapport d’experts faisait état de biais systémiques dans les interpellations policières menées par le SPVM. Une personne noire ou autochtone aurait ainsi quatre à cinq fois plus de chances d’avoir à s’identifier auprès d’un policier qu’une personne blanche.