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Interpellations policières: le SPVM veut «remédier» au profilage racial

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Le directeur du SPVM, Sylvain Caron, lors d'une conférence de presse mercredi. Photo: Josie Desmarais/Métro

Alors que la lutte au profilage racial continue de soulever les foules dans le monde, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a dévoilé mercredi sa très attendue politique sur les interpellations policières, une première au Québec. La nouvelle survient plus de huit mois après la publication d’un rapport indépendant démontrant que des «biais systémiques» existent à l’interne.

«Les interpellations sont présentes depuis toujours, mais il n’y a jamais eu d’encadrement. On vient préciser aujourd’hui ce qu’on attend de nos policiers. C’est un cadre réglementaire qui uniformise et améliore nos pratiques, a assuré le directeur du corps policier, Sylvain Caron. Il reste encore du travail à faire, j’en suis bien conscient. Cette politique va continuer d’évoluer dans le temps.»

L’essence de la politique, dit-il, est d’établir des «balises claires» pour prévenir toute interpellation «sans fondement, ou aléatoire». Elle sera en vigueur l’automne prochain, le temps d’en présenter les grandes lignes au personnel. Aucune sanction n’est toutefois prévue pour les policiers qui ne respecteraient pas la politique.

«C’est un moment important. Nous reconnaissons qu’il existe des disparités dans les interpellations. Pour moi, la discrimination n’a jamais eu sa place.» -Sylvain Caron, directeur du SPVM

Pour le lieutenant Vincent Richer, qui a dirigé le comité de rédaction, des interpellations répétées «peuvent effectivement altérer l’attitude d’une personne envers les policiers, et mener à une escalade». «On a tous des biais. Parfois, nos appels au 911 en ont, et les policiers qui y répondent sont donc instrumentalisés. C’est important, à ce moment-là, de faire une remise en contexte», illustre-t-il.

Plus de détails devront être fournis

La «fiche d’interpellation» que remplissent les policiers sur le terrain sera modifiée. Elle comprendra dorénavant les raisons de l’interpellation, les faits observables et le contexte. «On ne va pas ficher l’ensemble de la population. Si jamais on complétait cette fiche de façon systématique, ça pourrait être préjudiciaire pour des personnes», illustre M. Richer.

«Un des changements majeurs, c’est celui de contextualiser le motif pour lequel le policier est intervenu. On pourra voir à quel endroit l’interpellation s’est faite correctement et à quel endroit quelque chose n’a pas fonctionné.» -Marc Charbonneau, directeur adjoint du SPVM

Dans les derniers mois, la police de Montréal a mené plus de 160 consultations pour établir les bases de cette politique, qui n’inclut pas le terme «race», tel que recommandé par des experts. Des membres de communautés marginalisées, ainsi que des organismes et des regroupements citoyens, ont été rencontrés. Le ministère de la Sécurité publique, qui prépare sa propre politique provinciale sur les interpellations, a aussi été consulté.

À la Ville de Montréal, la responsable de la sécurité publique, Rosannie Filato, affirme que la réglementation «est une réponse concrète pour lutter contre les profilage racial et social». «Cette politique est évolutive, et pourra être bonifiée par les citoyens et les organismes», affirme-t-elle. Une consultation se tiendra en effet à la fin de l’été. «Il s’agit d’une étape importante […] pour éliminer les disparités dans les pratiques d’interpellations policières envers les personnes racisées et autochtones. Bien entendu, des mesures supplémentaires devront être mises en place», ajoute-t-elle.

De nouveaux outils au SPVM

Une série de nouveaux outils verront aussi le jour, dont la création d’une «équipe de coachs» en interpellations policières. Ceux-ci guideront les patrouilleurs sur le terrain. Le sociologue d’origine haïtienne Frédéric Boisrond deviendra pour sa part «conseiller stratégique indépendant». Il aura pour mandat de porter une vision «critique» sur les pratiques du SPVM.

«On m’a demandé de challenger l’organisation, de pousser l’équipe à sortir de sa zone de confort. C’est ce que je m’apprête à faire. Je n’ai pas d’allégeances au SPVM, j’ai une allégeance envers une société plus harmonieuse.» -Frédéric Boisrond, sociologue

En octobre, un rapport commandé par la Ville de Montréal démontrait que les Noirs, les Arabes et les Autochtones sont beaucoup plus susceptibles d’être interpellés par le SPVM. L’étude soulevait que des «biais systémiques liés à l’appartenance sociale» existent. Mais selon les chercheurs, qui n’ont pas eu accès aux motifs des interpellations, il demeure toutefois difficile de lier ces biais au profilage racial.

D’ici quelques jours, le corps policier confiera un second mandat à ces mêmes chercheurs. Objectif: «mieux comprendre le contexte exact dans lequel ces interpellations ont été effectuées».

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