Le racisme en classe – comme celui dénoncé par des élèves de Montréal-Nord – a des impacts négatifs sur les élèves, estiment des expertes interrogées par Métro. Elles évoquent notamment des effets sur le sentiment d’appartenance à la société québécoise et sur la réussite scolaire.
Dans une vidéo virale publiée par la page Facebook «Béliers solidaires» mardi, un groupe d’élèves – anciens et actuels – de l’école secondaire Henri-Bourassa rapportaient les commentaires choquants du professeur d’histoire Vincent Ouellette.
Ce dernier avait d’abord été dénoncé sur les réseaux sociaux pour avoir utilisé le «mot en N» à répétition lors d’un cours.
Selon les témoignages d’anciens élèves recueillis par Métro, Vincent Ouellette ne se gêne pas pour tenir régulièrement des propos qualifiés de «xénophobes» et «antireligieux» dans le cadre de son enseignement.
La sociologue et chercheuse en éducation interculturelle, Sivane Hirsch, s’est dite «extrêmement bouleversée» en visionnant la vidéo. «C’est certain que la présence d’un tel enseignant va empoisonner le climat de l’école au complet et le climat interculturel», pense-t-elle.
Sentiment d’appartenance
Une des trois rôles premiers de l’école est la sociabilisation. Cela signifie tisser des liens entre les jeunes et la société, indique Mme Hirsch.
Or, avec ses gestes et ses propos offensants, Vincent Ouellette a systématiquement exclu ses élèves de la société québécoise, déclare-t-elle. Elle craint les impacts du racisme en classe.
«L’école devrait permettre au jeune de sortir de son milieu communautaire et familial. Dans ce cas, l’enseignant a ramené les élèves à leur identification première, à leur famille, à leur religion.»
La professeure Corina Borri-Anadon a travaillé avec Sivane Hirsch sur un projet de recherche portant sur le climat interculturel.
Les propos de M. Ouellette ont un impact sur le sentiment d’appartenance des élèves à la société québécoise, pense-t-elle.
«On a vu des jeunes profondément touchés par ce qu’ils avaient vécu. Est-ce qu’on reconnaît que ces gens font partie de notre société d’aujourd’hui? Quelle place on leur donne?», demande-t-elle.
Réussite scolaire
Dans leur projet de recherche, les chercheuses concluent que les micro agressions ont un impact sur la réussite scolaire des élèves.
«Souvent, il y a des élèves qui vont être tellement touchés [par les micro agressions] qu’ils ne vont plus vouloir s’inscrire à l’école. Certains élèves ne vont plus s’y sentir à leur place», affirme Sivane Hirsch.
Qu’ils éprouvent ou non des difficultés sur le plan scolaire, les élèves appartenant à des groupes racisés peuvent vivre de l’exclusion, déclare Corina Borri-Anadon.
«Même des élèves qui réussissent sur papier peuvent sortir [du système scolaire] meurtris, souligne-t-elle. Cela fait en sorte qu’ils décrochent dans leur trajectoire scolaire ou perdent confiance en la société et les institutions.»
Formations
Dans une publication Facebook, le groupe «Béliers solidaires» exige que tous les membres du corps enseignant suivent une «formation pour apprendre sur la réduction des méfaits, la communication non-oppressive, l’antiracisme et la pensée intersectionnelle en milieu institutionnel».
C’est une idée sur laquelle travaillent mesdames Hirsch et Borri-Anadon avec plusieurs collègues. Elles proposent de la formation pour les professeurs, mais aussi pour les gestionnaires des établissements et des centres de service scolaires.
Bien que certaines soient déjà offertes à Montréal, on en retrouve peu ou pas ailleurs au Québec, ajoute Sivane Hirsch. «Dans la formation initiale, la place qu’on donne à ces cours là est assez limitée», précise-t-elle.
De son côté, le Centre de service scolaires de la Pointe-de-l’Île (CSSPI) avait affirmé «prendre la situation très au sérieux» en réaction aux dénonciations visant Vincent Ouellette. Une enquête administrative est en cours sur le dossier.