L’hécatombe se poursuit au centre-ville de Montréal, alors que la pandémie continue d’augmenter le nombre de bureaux et de locaux commerciaux vacants au coeur de la métropole, tout en limitant le nombre de résidents, démontrent de nouvelles données.
L’Institut de développement urbain du Québec (IDU) et la société de développement commercial Montréal centre-ville présentent ce jeudi, à 14h, la deuxième édition de «L’état du centre-ville», dont Métro a obtenu copie sous embargo. Cette initiative, financée en partie par la Ville, vise à dresser, sur une base trimestrielle, un portrait des nombreux impacts de la pandémie sur le coeur de la métropole.
Ce nouveau rapport se base sur un sondage mené en janvier auprès de 1000 résidants du Grand Montréal et offre un état des lieux en date du 24 décembre dernier. Il permet notamment de constater une hausse de 2,6% du taux d’inoccupation dans les tours à bureaux du centre-ville sur une période de six mois, pour atteindre 12,4%.
«Les chiffres sont préoccupants […] La pandémie a un effet énorme», constate le président-directeur général de l’IDU, Jean-Marc Fournier, en entrevue à Métro.
Les petites entreprises plus touchées
Les impacts de la pandémie ne sont toutefois pas uniformes. En fait, le nombre de locaux vacants a peu bougé dans les derniers mois dans les tours les plus grandes et les plus prestigieuses du centre-ville, situées dans le quartier des affaires.
La hausse du taux d’inoccupation se concentre plutôt dans les tours dites de classe B ou C, qui se situent sur des rues moins intéressantes et proposent des loyers plus bas. Ce sont aussi ces tours, moins bien entretenues, qui «abritent beaucoup de petites entreprises ou d’entreprises en démarrage généralement plus vulnérables aux chocs économiques».
«Les entreprises qui ont peu de moyens passent plus difficilement au travers de la crise», résume M. Fournier.
Les petites entreprises pourraient toutefois tirer leur épingle au terme de la pandémie alors que la baisse de la demande pour le centre-ville pourrait entraîner une diminution des loyers commerciaux, analyse le directeur général de Montréal centre-ville, Glenn Castanheira.
«On peut penser que les prochaines années seront plus fertiles pour les plus petites entreprises», affirme-t-il à Métro.
Une étude universitaire mise en ligne ce mois-ci entrevoit d’ailleurs que le centre-ville de Montréal pourrait devenir plus accessible pour les petites entreprises, au terme de la pandémie.
«Si la pression immobilière et commerciale au centre baisse, alors des acteurs plus jeunes, entreprenants et dynamiques pourront de nouveau s’y déployer. De même, il sera un peu plus aisé (sans jamais être facile) d’y développer des logements accessibles», notent les chercheurs. Une telle situation pourrait toutefois affecter les revenus fonciers de la Ville en diminuant la valeur des immeubles du centre-ville, écrivent-ils.
«L’avantage de la crise qu’on traverse, c’est que dans la reprise, ce sera plus facile pour les petits joueurs.» -Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville
Soutenir les commerces
Le nombre de locaux commerciaux vacants a par ailleurs grimpé de 5% entre le printemps et l’automne dernier sur la rue Sainte-Catherine, pour atteindre 23%. Dans les tours à bureaux, ce sont un peu plus de la moitié des commerces qui demeurent inactifs.
Globalement, le taux d’inoccupation des commerces du centre-ville atteint ainsi 28% à la fin 2020, en hausse de 2% en six mois.
«S’il fallait que les locaux soient vides, ça rendrait le centre-ville moins attrayant», appréhende M. Castanheira. Pour inciter les clients – et donc les commerçants – à opter pour le centre-ville, la Ville devra miser sur des aménagements publics et plus d’animation dans ce secteur, croit-il.
En novembre 2020, le gouvernement Legault a annoncé des sommes de 50 M$ sur deux ans pour «revitaliser les centres-villes». Il n’a toutefois pas encore détaillé quelle forme concrète prendra cette aide financière, qui devrait bénéficier notamment aux commerçants et aux hôteliers.
La Ville de Montréal attend d’ailleurs impatiemment que Québec et Ottawa offrent un «soutien particulier» au coeur de la métropole afin de l’aider à «traverser la crise».
«Si on veut être capable d’assurer la survie du centre-ville, il faut l’aider à plus long terme pour garder nos commerces, nos hôtels et nos restaurants en vie», martèle à Métro le responsable du développement économique au comité exécutif, Luc Rabouin.
Ce dernier promet d’ailleurs que la Ville montrera l’exemple en incitant ses employés à retourner travailler dans les tours du centre-ville, lorsque ce sera possible. Actuellement, c’est le télétravail qui prime.
«Il faut bien sûr préparer le retour des employés au centre-ville dans le respect des règles sanitaires. C’est absolument essentiel», ajoute l’élu de Projet Montréal.
Moins de résidents
D’autre part, cette analyse fait état d’une diminution de 17% de la revente de condos neufs au quatrième trimestre de 2020, par rapport à la même période en 2019. Pendant ce temps, les inscriptions pour la revente des propriétés de ce type a grimpé de 68%.
En d’autres mots, «il y a plus de monde qui veulent partir et moins de gens qui veulent venir [au centre-ville]. Et ça, évidemment, c’est préoccupant», soulève Jean-Marc Fournier. Le nombre de logements à louer dans Ville-Marie a aussi grimpé en flèche en un an, ce qui fait écho à la chute du nombre d’étudiants et de travailleurs étrangers en raison de la crise sanitaire.
« Il faut travailler ensemble à ce qu’il y ait une qualité de vie au centre-ville pour attirer des résidents», conclut M. Fournier.