En 2022, les familles canadiennes devront s’attendre à payer environ 1000$ de plus pour se nourrir. Cette hausse record du prix du panier d’épicerie inquiète les organismes montréalais œuvrant à la sécurité alimentaire, qui craignent ne pas pouvoir répondre à la demande grandissante.
«Ça va cogner dur», prévient Louise Masquer, présidente d’Action secours vie d’espoir, un organisme d’aide alimentaire situé à Montréal-Est.
Le prix global des aliments augmentera de 5 à 7% en 2022, selon le dernier Rapport annuel sur les prix alimentaires. Cela représente un bond de 966$ par rapport au coût annuel total observé en 2021. C’est la plus grande augmentation annuelle depuis la publication du premier rapport il y a 12 ans.
Une famille canadienne moyenne, composée de deux adultes et de deux enfants, devra donc débourser un peu plus de 14 760 $ pour se nourrir, estiment les chercheurs de l’Université Dalhousie et des universités de Guelph, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique.
Le prix des produits laitiers devrait s’accroître de 6 à 8%, tandis que les légumes devraient coûter 5 à 7% plus cher. En revanche, le prix des fruits de mer et de la viande devrait demeurer stable.
«Je trouve ça très inquiétant, affirme Brunilda Reyes, directrice générale des Fourchettes de l’espoir, un organisme de Montréal-Nord. Déjà, ce n’était pas toutes les familles qui pouvaient se permettre de se payer un panier de nourriture équilibrée, avec des fruits et légumes.»
Une lourde tendance
L’augmentation du coût des aliments ne surprend pas Sylvie Rouillard, responsable de l’épicerie solidaire du Club populaire des consommateurs de Pointe-Saint-Charles, un organisme dont la mission est de vendre des denrées alimentaires au prix coûtant.
Son équipe doit revoir les prix à la hausse depuis longtemps. C’est «facilement 30% de plus sur le prix initial de certaines denrées», témoigne-t-elle.
César Herzele, directeur de l’organisme à but non lucratif Les marchés Ahuntsic-Cartierville (MAC), observe aussi une inflation des prix de l’alimentation depuis un an, en lien avec la pénurie de main-d’œuvre et la rupture de la chaîne d’approvisionnement.
Il se dit néanmoins très surpris par les prévisions des chercheurs: «7% c’est sûr que c’est énorme, et ça va se ressentir sur le nombre de personnes qui vont venir chercher nos services. Je pense aux familles monoparentales, aux étudiants, aux nouveaux arrivants et à la population migrante».
Impact majeur
Les auteurs du rapport annuel sur les prix alimentaires indiquent que «les programmes alimentaires pourraient se voir confrontés à des difficultés liées à l’augmentation de la demande et à la hausse du coût des aliments».
C’est une crainte que partage Brunilda Reyes. «On a plus de demandes de nourriture, on a plus de demandes de paniers. On veut qu’ils aient de l’allure, qu’ils permettent aux familles de faire deux ou trois repas.»
Selon Louise Masquer, cette explosion des prix, jumelée aux hauts prix des logements, risque de faire monter de manière draconienne la demande des familles auprès des banques alimentaires, déjà fréquentées par plusieurs travailleurs gagnant près du salaire minimum.
«L’an prochain, le 100$ de plus que les gens vont devoir débourser par mois […] qu’ils auraient peut-être donné en don, ils ne le feront pas. Ils vont le garder pour leur nourriture», avance-t-elle.
Ellen Schryburt, présidente de la Société Saint-Vincent de Paul de Saint-Léonard, ne sait pas comment elle pourra répondre à la demande.
«Les tablettes sont souvent vides chez nous», dit-elle, indiquant que Moisson Montréal distribue moins de denrées qu’avant. Pour remplir les paniers des bénéficiaires, l’organisme doit se résigner à se rendre à l’épicerie et à utiliser les cartes d’achats qui sont normalement distribuées aux familles.
Donc, si les aliments coûtent plus cher, l’organisme sera forcé d’en acheter moins.
«Comment vont faire ces familles dont les revenus sont très faibles? Et nos aînés dont les pensions de retraite sont en baisse? se demande Yolette Café, présidente du Centre d’entraide aux familles de Rivière-des-Prairies. Nous faisons ce qu’on peut pour subvenir aux besoins des familles, mais le gouvernement doit absolument nous aider.»
Avec des informations de Alicia Casteras, David Flotat, Coralie Hodgson, Yohann Goyat et Anouk Lebel